Sartre 2
DÉNOUEMENT SARTRE
Rappel : Sartre, philosophe existentialiste qui se sert de son œuvre littéraire pour exprimer ses idées.
Huis clos, pièce en 1 acte et 5 scènes, qui se déroule en un enfer allégorique.
Rappel de ce qu’il s’est passé dans la pièce jusque là (notamment le jugement des vivants, la porte qui s’ouvre, le refus de G d’embrasser E…).
Extrait : tirade et dialogues qui conduisent au dénouement.
Problématique : Comment fournir un dénouement à une pièce interminable ?
Plan :
I) Sous forme de prise de conscience
A) De l’éternité
– Que suppose le mot de la fin, énoncé par G (injonctive 1ere pers du pluriel) : « Continuons ».
– Que signifie la phrase reprise en écho par chacun es 3 protagonistes. Phrase d’abord verbale, énoncée par la plus intuitive, Ines, puis nominale, par les 2 autres. « Pour toujours ». Impossibilité de sortir de l’éternité donc.
– De ce que qu’est l’enfer : au terme d’un syllogisme (« Le bronze est là, je le contemple et je comprends que je suis en enfer », G comprend que l’enfer c’est aussi être statufié pour l’éternité, comme le bronze. Ne plus pouvoir changer. Être privé de liberté qui est la caractéristique de notre existence.
B) De l’impossibilité de changer de statut :
– En effet les autorités de l’enfer imposent une sorte de destinée à des êtres qui furent durant leur existence, libres. C’est ce signifie la remarque de G : « Je vous dis que tout était prévu » (Ines l’avait dit avant lui mais trop tôt pour lui). Les 3 êtres subissent. Ils ne sont plus maîtres de leur destin.
– Ils sont ensemble pour se torturer moralement alors qu’ils attendaient une torture physique (intratextualité : « Vous vous rappelez, le soufre, le bûcher, le gril… » , avec un groupe ternaire. Puis « Pas besoin de gril… ») ; tout cela renvoie aux supplices infernaux.
– Aucun ne peut revenir en arrière, vu qu’ils sont morts comme le rappelle Ines à Estelle. C’est ce qu’elle veut dire en précisant : « C’est déjà fait, comprends-tu ? », en insistant sur l’adverbe « déjà » qui renvoie à une antériorité.
II) Les personnages tels qu’en eux-mêmes
A) Leurs dernières actions
– Estelle n’hésite pas à commettre un homicide pour se débarrasser d’Ines : didascalie « Elle prend le coupe-papier sur la table, se précipite sur Ines et lui porte plusieurs coups ». Rythme ternaire : 3 actions. Cet acte prouve son irréalisme (fuite dans l’imaginaire).
– Ines a toujours été méchante. On le voit bien dans cet extrait quand on nous dit, dans la didascalie, qu’elle se frappe, grâce au couteau, « avec rage ». Elle se frappe par dépit (elle n’est pas aimée, et est méprisée, par Estelle) mais aussi pour montrer qu’on ne peut plus s’échapper par la mort (comme Florence). D’où le rappel ternaire des différentes sortes d’échappatoires (« Ni le couteau, poison, ni la corde. » ; anaphore de la conjonction négative « ni »). Son masochisme est un sadisme inversé. Notons aussi sa façon d’appuyer sur son état « Morte, Morte, Morte ! » qui montre bien sa méchanceté.
– Garcin est toujours obsédé par le regard de l’autre sur lui et sur ses actions (métaphore : tous ces regards sur moi, ces regards qui me mangent »). il souffre en effet de l’impossibilité d’échapper au regard d’autrui, qu’il s’agisse d’Ines (« Je ne peux pas t’aimer quand elle me voit »), des deux femmes (« Ah, vous n’êtes que deux ? » Question rhét) ou des autres (« Je vous croyais beaucoup plus nombreuses »). On comprend que le regard paralyse, empêche d’agir et donc empêche d’assumer sa liberté.
B) Même comportement (l’éternité ne les a pas changés).
– Garcin est toujours aussi égocentrique. Il n’y a qu’à voir le nombre de fois dans sa courte tirade où il utilise la 1ère personne, comme s‘il était seul au monde, s’il n’existait que son cas personnel dans le monde : « Je le contemple, Je comprends, Je suis, je vous croyais, ces regards sur moi, qui me mangent… ». On notera le côté solennel, théâtral, de l’expression : « Eh bien voici le moment », comme s’il avait tout trouvé tout seul.
– Estelle est toujours aussi séductrice et de mauvaise foi (son grotesque : « mon amour !», toujours aussi superficielle et mondaine (« mon Dieu que c’est drôle ! ») et bien sûr irréaliste puisqu’elle veut éliminer Inès (« Eh bien, elle ne nous verra plus » ; fuite dans l’imaginaire). Elle est toujours aussi dangereuse par son inconscience même.
– C’est la plus lucide : « Tu sais bien que je suis morte », et plus loin « Et nous sommes ensemble pour toujours ». Elle sent les choses sans qu’on ait besoin de les lui expliquer par des raisonnements compliqués. Elle est donc d’une intuition redoutable.
III) Les pensées philosophiques de Sartre
A) Le bronze
– Enfin, on comprend qu’il n’était pas là par hasard. Il symbolise pour Sartre l’objet « en-soi » cad qui ne peut, par sa conscience, s’ouvrir sur le monde qui l’entoure (contrairement à chaque homme qui a sa conscience « pour-soi »). En ce sens il paraît différent de Garcin. Un objet dont le sort, décidé par l’homme, est d’être contemplé, un objet qui a une fonction assigné et n’est donc pas libre.
– Or, Garcin « le caresse » (didascalie) comme s’il s’agissait d’un autre être humain ; C’est qu’il comprend qu’il est devenu comme le bronze. En effet, le bronze, en tant qu’objet, n’a pas choisi la forme qu’on lui a donnée, et il ne peut plus en changer. Garcin est dans le même cas. Il ne peut plus changer sa situation en enfer, et ne peut non plus, à l’instar du bronze, échapper au regard des deux femmes qui le jugent. Il est donc comme le bronze, qui est une œuvre d’art faite pour cela, prisonnier des regards.
– Garcin est à la fois celui qui regarde (le bronze) mais aussi celui qui est regardé (par les femmes). Il est donc à la fois « sujet pensant » et « objet pensé » par elles. Il est devenu un « être pour autrui » cad un être pour-soi devenu être en-soi, comme un objet. En d’autres termes son supplice, c’est d’être à jamais dépendant du regard d’autrui auquel il ne peut plus échapper. C’est un peu le jugement de la postérité qu’évoque ainsi Sartre.
B) La phrase clé…
– C’est évidemment « l’enfer, c’est les autres » (opposée au « gril » de la torture physique. Mise en relief du mot enfer par la dislocation, ou anacoluthe. On peut l’interpréter comme une vérité générale. L’enfer, c’est la torture morale qu’on nous fait subir. Comme nous vivons en société et que les autres ne nous jugent que sur nos actes, notre vie peut devenir un enfer (métaphorique cad moral). Mais Sartre a relativisé cette interprétation en précisant qu’elle n’était valable que pour des êtres comme G, qui ne sont pas clairs envers eux-mêmes, qui ne s’assument pas, renient leurs actes, et ne les mettent pas en conformité avec leurs projet, leur ambition (l’héroïsme par ex). Ne sont donc pas authentiques. Il n’empêche qu’elle montre le poids que la société fait peser sur l’individu, chaque être se sentant d’autant plus exister qu’il se sent supérieur à un autre et a donc tout intérêt à l’inférioriser.
– Les autres, dans la pièce, incarnant le monde extérieur à commencer par les spectateurs qui eux aussi jugent, ce sont les deux autres. Or Sartre a fait exprès de rassembler les trois membres de ce trio infernal. Ils sont incompatibles, Estelle veut Garcin, qui veut convaincre Ines qui veut s’approprier Estelle. Il y en a toujours un de trop. Et tous les compromis ont été épuisés. Dans un éclair de lucidité collective, les personnages rient de leur situation parce qu’elle est insoluble et que rire est la seule chose à faire quand on a atteint le comble du désespoir. Parce qu’il maintient un certain recul, qu’on se voit tel que l’on est et que cela dédramatise.
– Le théâtre dans le théâtre : on a l’impression que vers la fin, les personnages surjouent (ton solennel, les autres derrière les deux femmes…) et que l’impératif « continuons » leur donne l’autorisation de poursuivre la pièce (double sens de ce mot). C’est que pour Sartre, ces 3 êtres ne sont pas authentiques, ils jouent perpétuellement la comédie, et ce mot de la fin nous le rappelle. C’est peut-être aussi un effet de distanciation pour rappeler au spectateur qu’il va revenir à la réalité, et donc va pouvoir vérifier, ou appliquer les idées de Sartre.
Conclusion : Vérification réponse problématique. Votre avis sur la morale et sur la pièce en général.