ALBI ET TOULOUSE

  1. ALBI

Ils étaient venus nombreux, au grand Théâtre, très nombreux même pour voir et entendre leur chanteur préféré, et pour certains, leur idole de toujours. Et parfois de très loin. Quelques-uns ont osé interpeller, entre deux chansons, gentiment, le « tendre jardinier de l’amour », ainsi que le désignait Brel. L’un pour lui réclamer ses premières titres, « Si jamais », l’autre un classique du répertoire des années 60, « A demain sur la lune », (en l’interprétant Salvatore esquisse une danse à la Amstrong), un troisième l’inévitable « Vous permettez, Monsieur » dont les gens mal intentionnés (qui ne lui pardonneront jamais d’avoir supplanté Johnny dans les hits de 65 à 68), n’ont pas saisi la dimension ironique. Leur Salvatore répond avec humour que c’est prévu, qu’il y a « une liste » de rédigée et que, pour la moins connue des trois, il l’interprètera à la guitare, a capella – avant d’entonner Le « barbu sans barbe ». On entend des clameurs en italien, assorties de banderoles. Une japonaise offre à l’artiste son bouquet de fleurs rituel. Et les tubes défilent… Dès le départ, « C’est ma vie », qui résume ce contact chaleureux que Salvatore Adamo entretient avec son public, lequel le lui rend bien. Le cœur « En bandoulière », ancien n° 1, quelque peu oubliée, réhabilitée par le CD de duo du Bal des gens bien. « Comme toujours », qui rend hommage aux années d’or de Salut les copains. « Tombe la neige » évidemment, dont il chante quelques mesures en japonais. « La nuit », sans doute son chef d’œuvre d’alors, à propos duquel le célèbre sicilien nous avouera, après le concert, qu’elle devait être interprétée par Alain Bashung, (la compagne de c dernier a décidé récemment de l’enregistrer à son tour). « Une mèche de cheveux »… La liste serait trop longue. Mais aussi des titres du dernier CD (« L’amour n’a jamais tort », qui le caractérise si bien, ou des précédents (« je te tiens, je te lâche plus », qui concluait le film de Chantal Lauby : Tes mains sur mes hanches (encore un tube ! sans doute le plus connu de cet italo-belge qui a vendu 100 millions de disques). Adamo, passé quelques secondes d’émotion en début de concert devant la ferveur du public, se sent vite très à l’aise : il danse, plaisante¨ (notamment sur les insup-« portables », dit-il en présentant « Les belles personnes »), improvise des enchaînements parlés enter les morceaux, s’amuse avec ses huit musiciens complices, remercie bien sûr, comme il sait si bien le faire. Et c’est « L’écrin », de 1971, un petit bijou poétique, quelque peu méconnu. Le public ne s’y trompe pas, qui applaudit deux bonnes minutes sans discontinuité et clame son enthousiasme. Salvatore, après le concert, nous avouera avoir eu du mal à enchaîner. Il nous confie que c’est probablement la mélodie, qui a ému les spectateurs, leur rappelant certains airs des années 50, du Ferré, du Lemarque. Excusez du peu. Pour ce qui me concerne, j’opterais plutôt pour la qualité poétique du texte, qui a « sidéré » (je cite de mémoire une voisine de spectacle), le public venu essentiellement par nostalgie des grands tubes. Interrogé sur la dose importante de chansons des années 60-70 dans ce concert albigeois, l’interprète du « Petit bonheur » a rappelé que c’est ce même public, par ses demandes, qui l’a amené à puiser en priorité dans ce lointain répertoire (« Le néon », « J’aime », « Ma tête », « Accroche une larme aux nuages »), avec quelques mots en allemand. Ce qui lui fait regretter de n’avoir pas interprété deux ou trois nouvelles de plus, d’autant qu’il se dit heureux de l’accueil  réservé à ses nouveaux titres. Car le public semblent avoir adopté, les chansons plus récentes : « Mon voisin sur la lune », satire de ceux qui renient leurs idéaux de jeunesse, « O monde », où il énumère tout ce qui ne va pas, et incite le poète à s’éloigner du bruit et de la fureur, lui qui chante également : « Je viens de plus loin » et « C’est toi que je préfère », très rock n’roll, ce que le public apprécie. On ne peut tout citer mais à l’applaudimètre, à part « L’écrin », c’est « Inch Allah » qui l’aurait emporté, le chanteur se désolant d’avoir encore à l’interpréter cinquante ans après. Et une toute nouvelle : « C’est toi que je préfère » à comprendre à deux degrés. « Chantez », du dernier album également, où il exprime sa position de citoyen du monde par rapport à la violence et à l’intolérance actuelles. Car on en le dit pas assez : outre les chansons fantaisistes qui ont fait son succès (Le génial « Les filles du bord de mer, qui voit le public, lors du final, envahir littéralement les avant-scènes, en douceur et profondeur), et bien  sûr les chansons dites « fleur bleue » (« J’avais oublié que les roses sont roses »), Adamo s’est toujours impliqué dans des causes nobles : la paix, la liberté, la tolérance, la fraternité, la différence, l’enfance, l’amour tout bêtement, et l’amitié (l’émouvant : « Je vous parle d’un ami »)… Adamo a enfin interprété, accompagné d’un orchestre en grande forme (avec cuivres violons, guitares et une excellente batterie), une bonne trentaine de chansons, se donnant manifestement à fond avec un plaisir non dissimulé. C’est qu’il fait partie de notre patrimoine et peut être considéré à présent comme l’un de nos derniers grands, ce dont son public a bien conscience. Au bout de deux bonnes heures de concert, à peine épuisé mais ravi, euphorique même, le chanteur a pourtant pris le temps de nous recevoir, afin de nous confier le secret de sa forme : l’enthousiasme collectif du public, très perceptible côté spectateurs mais aussi côté scène. Même si sa gentillesse légendaire fait que l’on a envie de l’appeler Salvatore, je conclurais en  disant : Revenez-nous vite Monsieur Adamo. Pour nous interpréter les nouvelles chansons que vous avez prévu d’enregistrer, après les vacances, à la rentrée. Et peut-être d’autres pépites de votre répertoire qui restent à découvrir (« Les collines de Rabbiah, Si tu étais, Mourir dans tes bras… ». BTN (un fan, on l’aura deviné : « Je vous parle d’un ami »).

***

VOICI MON TRIPLE CD idéal de l’intéressé. J’en ai exclu volontairement tous les tubes (Mes mains sutr tes hanches, Inch Allah, Les filles du bord de mer, Tombe la neige, Une mèche de cheveux…) et je l’intitulerais Adamo méconnu. Ou « Perles rares ». Je commence par la période 60-75 :

I) SA et l’amour : titre-phare La nuit (repris pas le plus que rocker Patrick Eudeline). 1) Amour perdu 2) Si jamais 3) Elle 4) Viens ma brune 5) J’aime (chantée hier sur Télé Mélody qui diffusait une émission de Raisner) 6) Elle était belle pourtant 7) Femme aux yeux d’amour 8) Il y a juste un an 9) Et sur la mer 10) F comme femme 11) Quand passent les gitans 12) Mon cinéma 13) Nous n’avons jamais parlé d’amour 14) Va, mon bateau 15) Si le ciel est amoureux de toi 16) Alors reviens-moi, 17) Et t’oublier 18) Caresse 19) Marie la mer 20) Mourir dans tes bras (j’ai dû exclure Dans le vert de ses yeux, Pauvre Verlaine et Le grand jeu, entre autres).

II) Fantaisie et humour : Le barbu sans barbe 1) Fais-toi croquemort 2) J’ai raté le coche 3) Ma tête 4) Chanson en rondelles 5) Complainte des élus 6) Tenez-vous bien 7) Dans ma hotte 8) Mademoiselle vous 9) Histoire de clous 10) Tu ne le sauras pas 11) Les belles dames 12) Tiens v’là l’été 13) Sois heureuse rose 14) Crazy Lue 15) Hidalgo 16) Italiano 17) Mademoiselle, attendez 18) Le monde à l’envers 19) Patwon 20) Salut, vieux. (J’ai exclu Laissons dire, à regret, et ou Creusons)

III) Chansons graves, engagées ou ironiques : titre-phare : Le néon 1) Les amours de journaux 2) Les gratte-ciels ) Noël sur les milandes 4) Gagner du temps 5) Que voulez-vous que je vous chante ? 6) Le taureau et l’enfant 7) Ma liberté mon infidèle 8) Partir 9) Mon pays 10) Un petit caillou rose… 11) La vieille l’idole et les oiseaux 12) Les fées ne mourront pas 13) Le carrosse d’or 14) J’ai froid sous mon manteau de pluie 15) Quand tu reviendras 16) En bandoulière 17) Aline 18) Trop tard 19) Le pendu 20) La pécheresse

A présent la période 75-2006 :

I) Amour/Nostalgie… : Titre phare : Si tu étais : Je te dois- Sur la route des étoiles – Avec des si – Fumée blonde – Ne t’en va pas – Ceux qui s’aiment – Une fille comme toi – Toi et moi jour après jour – – Et le temps s’arrêtait – Mariage – Théorème – Je te trouverai – Voyage jusqu’à toi – Il n’y a pas d’amour sans peine – La chance de t’aimer – Ailleurs – Amoureux – Tes yeux- Pose ton chagrin sur mon épaule – Différences. (Exclue : Douceur).

II) Fantaisie/humour – Titre phare : J’te lâche plus… : Le chien – Femme plume – Il pleut dans ma chanson – Ca va trop bien – Puzzle – Si tu retournes chez ta mère – Autoroute du soleil – Frappe à la porte du bonheur – Le cirque d’Anthony – Les bleus de Montréal – J’ai plus de couleur – Le cheval de bois – Pomme et Cie – La malice – Jouez au ballon – Ils s’aimaient – Elle disait tout le temps je t’aime – C’est pas légal – Mon voisin sur la lune (exclue Prête moi une chanson)

III) Chansons graves, engagées, polémiques Titre phare : Manuel Vladimir – En ton nom – Tant d’amour qui se perd – Le monde a mal – Salima dans le tramway – Sans domicile – Zanzibar – Par les temps qui courent – De l’autre côté du pont – Anima – Dans les mille ans qui viennent – Sortir de l’ordinaire – La colombe – Tout le long du Mékong – Pauvre liberté – Alors marchez – Tous sur le même bateau- Parlons-en du bonheur – Les collines de Rabiah – Cara Italia.(Exclue : O monde)

Et j’en ai d’autres sous le coude

2) Toulouse (voir ci-dessous) …

Concert d’Adamo à Toulouse (Casino Barrière)

Concert Adamo au Casino Barrière à Toulouse

Les concerts de Salvatore Adamo passent mais ne changent pas : Toujours la même ferveur du public à son endroit ; une salle bondée qui ne demande qu’à chavirer ; une artiste qui se donne complètement à son public avec qui il dialogue, entre deux chansons, nouvelles, récentes ou anciennes. Certains morceaux réapparaissent (« Comme toujours »), d’autres disparaissent (Le néon, A demain sur la lune, O monde…), en fonction des circonstances, des lieux, de la forme du moment  et des nouvelles productions. Certains sont plus applaudis que d’autres soit parce que leur qualité poétique hors du commun emporte l’adhésion (Magnifique «(L’) Écrin », un vrai bijou créé pour l’Olympia en 71), soit parce que l’énergie déployée pour l’interpréter finit par devenir communicative (« La vie encore », enregistrée en 2010, et son refrain roboratif : Tu peux tout m’faire, c’est toi que j’préfère – que le public s’approprie comme s’il si l’on s’adressait à lui), soit parce que le ce dernier est ravi de retrouver des interprétations musclées des tubes intemporels (Le final sur « Les filles du bord de mer » précédé de « J’te tiens, je te lâche plus » et de l’incontournable « Vous permettez, Monsieur », annoncé par un gag très année 60). Soit enfin parce qu’il s ‘agit d’une nouvelle chanson dont on perçoit tout de suite le potentiel émotionnel, tel ce «Juste un je t’aime », qui mériterait d’ores et déjà d’être sacrée Chanson de l’année, et que l’on retrouvera dans le nouveau Cd, en duo avec Camille. Un moment fort : quand Salvatore, à la guitare, à peine épaulé par son guitariste, interprète une série de morceaux prisés du public, de son premier « Sans toi ma mie », à « Petit bonheur », n°1 des hits à l’époque, tout comme « Une larme aux nuages », interprétée en plusieurs langues, en passant par « Si jamais » et « Viens ma brune », réclamée par le public… Avec en prime un « Je vous offre » tout droit exhumé des tiroirs de la mémoire, et dont on redécouvre aujourd’hui toute la fraîcheur juvénile. Parmi les autres surprises, la reprise de « Ensemble », qui fait partie de ces Face b, masquées par un titre-phare, et que l’on prend grand plaisir à réentendre. Le répertoire est plutôt équilibré, entre les chansons anciennes (« J’aime », « Une mèche de cheveux », « Mes mains sur tes hanches », évidemment « Tombe la neige » ou « La nuit »…), et les plus récentes, souvent d’ailleurs fort applaudies (Le très satirique « Mon voisin sur la lune », l’émouvant « Je vous parle d’un ami », pour saluer celui qui vient de disparaître, le très tonique « Lola et Bruno »…). Les années 80-90 sont certes sacrifiées alors qu’elles contiennent certains des meilleurs morceaux du chanteur (Si tu étais, Les collines de Rabiah, La malice… et la reprise de Mourir dans tes bras, sans doute son meilleur titre, du moins dans le registre sentimental), mais le public, dans sa majorité, vient davantage pour replonger dans ses émotions d’antan que pour apprécier l’ampleur d’un répertoire, et il faut bien composer avec. Toujours est-il qu’un titre de 92 est sauvé des oubliettes « Plus tard », alors que les années 70 se limitent à « C’est ma vie » qui démarre pertinemment le show, et à un autre n°1 : « J’avais oublié que les roses sont roses », au rythme entraînant. Mais comment choisir parmi des centaines de titres dont certains, s’ils n’ont pas eu le succès qu’ils auraient dû, l’auraient bien évidemment mérité. L’orchestre est au diapason : un batteur déchaîné, un excellent guitariste et une violoniste qui se transforme en chanteuse le temps de remplacer Joyce Jonathan sur l’amusant et instructif « De père à fille »… Le chanteur a semblé au début un peu fatigué par le concert de la veille (à Bordeaux) et la voix s’en est quelque peu ressentie (Ce côté humain a d’autant plus suscité la sympathie générale), mais une tisane miraculeuse d’un côté, l’enthousiasme des spectateurs de l’autre, lui ont vite permis de retrouver son énergie débordante, pour le plus grand plaisir du public. D’autant qu’au-delà des époques retenues (60-75 d’un côté, années 2000-2010 de l’autre), Adamo saute d’un registre à l’autre avec un égal bonheur, de la drôlerie la plus fantasque de « Ma tête » à des sujets plus graves (le très réclamé « Inch Allah »), en passant par ces divers états de l’amour dont il a si bien exploré toutes les nuances (l’émouvant « O femme »). Un concert d’un excellent cru qui aura permis au public de réaliser à quel point il ne s’est pas trompé dans son choix d’élire ce chanteur au panthéon de la chanson francophone. Et à quel point il est au niveau des plus grands, et pour certains le plus… BTN

NB : Nouvel album, Si vous saviez, dans les bacs le 16 février.

 

 

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