Ceci n’est pas une critique.

1) Pour parodier un ancien directeur de Frac j’avancerais l’idée que l’art contemporain se définit à partir du moment où il y a des artistes contemporains. Ceux qui créent, en l’occurrence, en l’époque où nous vivons. Le problème c’est qu’il faut d’abord définir ce qu’est un artiste contemporain : celui qui se définit comme tel sans doute car je n’oserai répondre : celui qui fait de l’art (et parfois du cochon, comme Jeff Koons).

2) Etre un artiste contemporain c’est percevoir, avec le maximum de conscience possible, la sensibilité dominante d’une époque et l’exprimer dans une forme, une matière ou un concept, en phase avec les tendances dominantes de son temps. Ainsi est-il normal que l’art d’aujourd’hui soit tourné vers le Monde (je ne parle évidemment pas du quotidien), non seulement parce que ses relations inéluctables avec le système économique le pousse dans le sens du libéralisme général, mais parce que l’on trouve dans ses données culturelles des rapports insoupçonnés avec des civilisations différentes : les dessins de Daniel Dezeuze et l’art précolombien ou de l’extrême orient, Lydie-Jean-dit-Pannel et ses ziggourats empruntées à l’Inde, Jean-Daniel Berclaz dans tous les sites exotiques où il met en scène ses vernissages conçus comme un véritable acte de création. Parfois l’étrangeté est à nos portes comme les animaux totémiques sublimés par Dédé Cervera. De même, il est normal qu’il soit tourné vers l’entreprise (Hybert), la publicité (Moulène), l’actualité (Blocher), la tyrannie de la parole plus ou moins autoritaire, universitaire par exemple (Duyckaerts), les manipulations génétiques (Grünfeld), l’urbanisme sauvage (Bustamante), le bricolage infographique (Oehlen)… Bref vers tout ce qu’a priori il n’est pas. L’art contemporain se constitue donc de ce qu’il n’est pas : c’est cette définition qui lui permet de demeurer actif et performant.

3) Comme aurait dit Baudelaire il y a quelque chose de transitoire dans l’art (l’usage d’hologramme chez Pierrick Sorin par exemple, dont je trouve les projets pour la ville de Nantes et surtout les vidéos d’amateur absolument géniales, mot que je n’utilise jamais) et aussi quelque chose d’intemporel (la nécessité de communiquer avec la communauté humaine, chez le même, ainsi qu’on le voit dans sa réalisation extra-terrestre sur la cité-navette de Carcassonne). Cette dualité fait que certains, à leur corps défendant, deviennent des classiques du genre. Ne miser que sur le transitoire – la technique représentative d’une époque (la pixellisation par ex) – c’est prendre le risque de n’être que de son temps. Miser sur l’intemporel, comme Vincent Bioulès (ou Desgrandchamps par ex), c’est paraître pour un temps décalé. La question qui se pose alors à l’art contemporain : le décalage n’est-il pas le plus sûr garant de la contemporanéité ?

4) Chaque période est contemporaine des individus qui la caractérisent. En ce sens chaque génération a son art contemporain. Le problème c’est que chaque génération assiste à la décadence, au triomphe ou aux échecs des générations précédentes ou suivantes. Est-ce que Pierre Soulages par exemple est toujours, pour les jeunes générations, un artiste contemporain ? N’est-il pas le contemporain d’une autre époque ? Pourtant sa contemporanéité par rapport à son époque ne déborde-t-elle pas largement sur la nôtre ? La notion de contemporanéité aurait donc de sacrées raisons de se voir élargie. Ainsi parler d’art contemporain aujourd’hui c’est désigner une proportion infime de la création en général, qui se détermine en fonction du fait de se désigner elle-même comme prospective, en espérant être suffisamment intemporelle, quoique transitoire, pour accéder à une Histoire qui, à longue échéance, de toutes façons finira par gommer la majorité de ceux que nous prenons pour des grands noms. Que restera-t-il de la fin des années 90 dans trente ans ? Vingt ? Dix ? Les clips musicaux de Pipilotti Rist ? (She’s not a girl who misses much… Ce n’est pas une fille qui en manque…) A ne considérer que la France, une douzaine de noms tout au plus par décennie. A l’instar des années 60 : le nouveau réalisme et l’école de Nice, Raynaud, les affichistes, Morellet, Hantaï, Barré, BMPT…), 70 (l’art corporel, Filliou, les Poirier, Boltanski, Messager, Le Gac, la figuration narrative, Gasiorowski, Buraglio, Rouan, Sarkis, Venet et Supports-surfaces…) et 80 (la figuration libre ou cultivée, Lavier, Gauthier, Reynier, Vilmouth, Bertrand, Frize, Calle, Orlan…)…En Art contemporain il y beaucoup d’élus mais, au bout du compte de l’Histoire, très peu d’appelés. Des centaines de jeunes artistes ont fait du S-S au kilomètre : il nous reste les plus grands : Viallat, Dezeuze et Saytour (l’immense Saytour !), peut-être Dolla, seuls noms qui viennent spontanément à l’esprit, et des méconnus à redécouvrir tels Charvolen ou AP Arnal dans ses livres d’artistes. Cela ne signifie d’ailleurs pas grand-chose parce qu’on pourra toujours sonder les goûts d’une époque à travers la diversité de ses achats, et que des artistes comme Alechinsky, Leroy, Sanejouand, Louise Bourgeois, Rebeyrolle et bien entendu Soulages, par exemple, ont traversé les générations. Mais il suffit de regarder les autres activités sur une décade particulière pour constater que seules certaines têtes d’affiche émergent et suffisent à désigner la contemporanéité d’une décennie. C’est ainsi que s’écrit, ou se réécrit, l’Histoire.

5) L’un des grands principes de l’art contemporain c’est la connivence entre ses intervenants, qu’en littérature nos appelons  » intertextualité ou art de la citation « . Ainsi si vous ne saisissez pas que dans telle vidéo, Pierre Huyghe ou Douglas Gordon font référence à Hitchcock ou à Star Trek, que Jeff Wall dans sa photo la plus célèbre, imite le dripping de Pollock, que Sturtevant copie une fleur d’Andy Warhol, que Sylvie Fleury rend hommage au mobilier pop art d’Oppenheim, Hugues Reip aux séries de montagnes de Cézanne ou d’Hokusaï, tandis que le duo terrible Kelley-Mac Carthy renvoie au body Art d’Acconci, que notre Mogarra régional reprend avec ses pelures d’oranges la  » spiral jetty  » très land art de Smithson, M&LS, la cire et le pollen de Laib, que Jacquet mécanise le déjeuner sur l’herbe et que Sherry Levine redore l’urinoir de Duchamp…, on risque de rater son initiation. Pourtant l’art s’est toujours appuyé sur un minimum de référence à la culture, ne serait-ce que religieuse, historique, politique alors pourquoi pas esthétique (les Ménines, la Joconde etc.). L’ennui c’est que l’on risque de confondre culture authentique et référence frivole à une image. J’ai vu un portrait de Montaigne par Combas, très réussi au demeurant, mais qui ne prouve en rien que l’illustre sétois soit entré profondément dans la fabuleuse expérience de l’auteur des Essais. Ceux qui découvrent Klossowski chez Templon, ou plus près de nous à Sérignan, ignorent souvent qu’il est considéré depuis plus de cinquante ans comme l’un des tout meilleurs écrivains français. Il m’est arrivé d’évoquer Méliès à l’attention d’un artiste qui s’y référait à son insu. Je le cite parce que j’avais adoré le personnage qu’il s’était fabriqué pour réinventer à sa façon la peinture, Peintrake le magicien, et qu’il a fait appel à moi à une époque où j’avais laissé tomber l’art contemporain, ses moeurs cruelles et injustes : Luc Bouzat, qui expose en ce moment au Château d’O. L’absence de références peut être aussi une qualité.

6) Imaginez soudain un monde sans revues d’art. Quelle angoisse pour les acteurs et surtout les néo-acteurs du milieu de l’art ? Où trouveraient-ils la confirmation de leurs goûts et tendances ? Que dis-je la confirmation : l’origine souvent ! Sur quels points de repère s’appuyer ? Le critère de la proximité ? Chacun sait bien que rares sont les prophètes en leur pays et qu’il vaut mieux présenter la nouvelle école lithuanienne, argentine ou sud-coréenne que les artistes du cru. Alors, à quel consensus adhérer, car c’est au fond ce qui détermine la valeur et la crédibilité d’un artiste : Le consensus… Quant à savoir qui en est à l’origine : ceux qui y trouvent de l’intérêt, sûrement. En art contemporain il y a les découvreurs en fort petit nombre et les suiveurs, selon une hiérarchie sociologiquement fascinante à étudier (les relais, les intermédiaires, les petits décideurs, les disciples, les prosélytes). Il vaut mieux être prudent : qui en choque un se les met tous sur les bras (Molière n’aurait pas mieux dit !). On appelle ça les réseaux. On y prend facilement la mouche.

7) L’art contemporain ne supporte pas la critique raisonnée, sauf si elle émane du milieu lui-même. B(i)en des artistes s’appuient sur la critique de leur milieu comme ressort de leur créativité. Certains en abusent. C’est dommage parce que, s’il y a beaucoup à prendre, il y aura certainement beaucoup à laisser. A ce propos, que reste-t-il de tous ces figuratifs plus ou moins libres ou plus ou moins cultivés que nous avons vu déferler dans le marché de l’art au début des années 80, un peu partout en France, alors que triomphaient ailleurs la transavantgarde ici, le néo-fauvisme là, les graffitis américains ailleurs et les espagnols de l’après franquisme tels Barcelo ou Sicilia ? Où sont les avions de Poivret, les vélos d’Autard, les sorciers de Lanneau, les conquistadores plantés dans les murs de Laube, les balais-pinceaux de Caillol, les pâtes à modeler de Gaspari, les profils nietzschéens de Thupinier, les guerriers d’Aurelle, les chinoiseries coquines de Fournier, les cônes de Ferrari, les cairns de Laune, les guitares de Marc Willis que j’aimais tant… Que reste-t-il de nos amours ?

8) On est très érudits dans le milieu de l’art contemporain. On connaît le nom des divers responsables régionaux ou départementaux, grâce à qui l’institution opère ses bons offices, des directeurs des Beaux-arts et de certains de leurs enseignants, celui des collectionneurs, des galeristes et de leurs employé(e)s, des commissaires forcément (même  » auto-proclamés  » comme les fustige mon parrain de l’AICA, Yves Michaud), des critiques, des revues, des sponsors parfois, des lieux où ça se passe évidemment, et des événements immanquables, biennales et dokumentas, musées et centres d’art. Et même le nom des artistes, médiatiques ou médiatisés. La question la plus fréquemment posée : Tu connais ? – ou ses équivalents. C’est que l’on est tellement immergé dans cet univers qui tend à fonctionner en autarcie que l’on a du mal à imaginer que notre disponibilité culturelle puisse se polariser sur d’autres points d’intérêt : je ne sais pas moi, la littérature, le vrai cinéma, la musique, la chanson et pourquoi pas le football. Sur ces plans-là je suis d’une érudition imbattable ! Or, qui reçoit les dossiers de presse, d’où qu’ils émanent, se rend vite compte que les artistes sont abordés selon trois perspectives : le questionnement approximatif : « Est-ce ici un compte-rendu d’une construction plastique ou une véritable performance vidéographique ?… Où s’arrête la réalisation de l’oeuvre, entre le trop tôt et le trop tard ? « . M’ouais ! Encore faut-il que le questionnement ait le moindre intérêt et ne soit pas la simple émanation des difficultés du commentateur à amorcer son commentaire… La deuxième est le statut de l’artiste par rapport à ses prédécesseurs : comme si le fait de se référer à une œuvre antérieure fournissait de facto un minimum de crédibilité historique. Il est aisé d’invoquer la continuité de Duchamp, Malevich, Beuys, Klein, Fontana, Warhol ou Manzoni. Cela ne signifie en rien que l’on ait de bonnes raisons à même de justifier ce choix. Troisièmement, en vertu de généralités ne permettant en rien de justifier la valeur  » intrinsèque  » de l’œuvre : « Rien n’est laissé au hasard dans les vidéos de SD (On a envie de dire : Encore heureux !). Son art se caractérise par une sorte de perfection (Merci pour lui) qui ne laisse rien percevoir des moyens mis en œuvre, mais dont l’aboutissement total se ressent à chaque seconde (24 pensées à la seconde je suppose !). Tout y est juste… le rythme de la narration fonctionne, la présentation est exacte. Grâce à ce style impeccable (N’en jetez plus)… D. a posé de nouveaux jalons pour l’art de la vidéo des années 90. » On peut difficilement faire mieux dans le registre épidictique (qui relève de l’éloge) ne démontrant en fait rien. Celui qui s’y retrouverait l’aurait bien cherché. Mieux vaut aller aux œuvres, tenter par soi-même d’en définir les enjeux et s’en faire sa propre opinion plutôt que de voir avec d’autres yeux que les siens, lesquels compliquent souvent la tâche ou jettent de la poudre, aux yeux, précisément..

9) Je sens que je m’éloigne de la peinture au fur et à mesure que, prudemment et de la manière la plus objective possible, je pénètre les méandres sinueux des diverses manifestations qui relèvent d’un art résolument contemporain. Je m’arrête à Bergen pour voir une rétrospective Fischli et Weiss (et notamment leur suite continue de réactions physiques) et ne fais pas l’effort d’aller voir les Marquet, Utrillo ou Van Dongen du musée de Lodève. Et pourtant, j’y reviens toujours (à la peinture) pour trois raisons : parce qu’elle a son Histoire pour elle ; parce que continuer de faire de la peinture quand tout le monde l’a depuis belle lurette abandonnée témoigne d’une postulation polémique très forte et que l’art s’est toujours nourri de polémique (C’est ce qui me fait rester fidèle (en France) à Fauchier, Bordarier, Dupin , Vivin, Pincemin, Clément, Audat, Castellas ou Frize…), enfin parce que les peintres réussissent à intégrer dans leur production une réflexion sur les activités artistiques qui les nient : c’est la raison pour laquelle j’aime beaucoup Georges Autard quand il se lance dans la photo numérique ou se réfère à Bruce Nauman pour figurer ses clowns, Dominique Figarella qui intègre judicieusement des autoportraits photographiques dans ses toiles à flaques, ou Dominique Gauthier qui ne cesse de réfléchir sur la plupart des signes fondant la contemporanéité iconique et gestuelle. Reynier a su intégrer certains aspects de la contemporanéité comme l’esthétique du fragment ou la nécessité de mettre un terme au pléthore d’images, en n’en conservant que la quintessence. Quant à la figure, à l’abstrait ou pas, cela n’importe qu’à quelques collectionneurs dépassés.

10) L’artiste contemporain, au fond, c’est aussi celui qui se revendique comme tel. Ou qui passe pour tel aux yeux des autres. Il y a sans doute des usurpateurs et des imposteurs qui s’ignorent, et en face d’eux, de doux rêveurs qui se bercent d’illusions. Or il y a des rêveurs agressifs. Ce sont les pires et ils sont tellement acharnés à attaquer la réussite des nouveaux promus, ceux que l’élite a élus (Lévêque, Hybert, Vailhan, Séchas, Guilleminot, Paradeis, Blazy, Verjux, et notre Suzanne Lafont !…), que ceux-ci finissent par devenir sympathiques et c’est ainsi qu’à ces nouveaux promus viennent se joindre des nouveaux convertis.

11) On disait de Gide qu’il était le contemporain capital. Qui est le nouveau Gide ? Est-il concevable aujourd’hui ? Y’en a-t-il un dans le milieu de l’art contemporain ? J’en doute. On a eu Restany, Pleynet, Lamarche-Vadel… En tout cas il n’écrit ni dans Libé, ni dans les Inrockuptibles, Quant aux revues d’art ça se saurait (je n’en regarde que les images). Quand on disait cela de Gide les artistes mondiaux s’appelaient Picasso, Braque, Matisse, Duchamp, Delaunay, Max Ernst ou même Dali. « La capitale » s’est manifestement déplacée. C’est toujours à l’ouest que l’on trouve du nouveau. Qu’y faire ? (à l’est : Kiefer !) Le Centre n’est plus ce qu’il était. A qui la faute ? Aux artistes eux-mêmes ? Allons donc…

12) Dans les années 70, en fac de lettres, la lecture de l’essai de Jan Cot :  » Shakespeare notre contemporain  » était chaudement recommandée. C’est assez dire si la notion de contemporanéité va au-delà de sa stricte définition, en tout cas c’est évident au théâtre (Valère Novarina, écrivain et artiste considérable, tout comme Jean-Luc Parant, a d’ailleurs réactualisé Falstaff). Dans le temps d’abord : Arcimboldo n’a pas toujours été une référence et l’on sait que la cote des impressionnistes ne s’est envolée qu’à la mort de Sisley ! Mais dans l’espace aussi : ainsi les artistes japonais ou chinois, islandais ou maghrébins (…) que nous découvrons aujourd’hui nous forcent-ils à un retour sur nous-mêmes, à réviser nos repères et références. Car rien d’humain ne nous est étranger. Montaigne n’aurait pas mieux dit.

13) Quand l’un des responsables du Consortium de Dijon introduit des toiles de Bernard Buffet dans une exposition thématique en la fondation Lambert (devant des wall drawing de Sol Lewitt, un divan de Franz West, et le chien Paf de Parreno) cela peut signifier : soit que l’on s’est trompé sur l’intéressé, soit qu’il suffit à un artiste dénigré d’être inclus dans une exposition encensée pour se trouver en odeur de sainteté, soit que l’on ironise sur le sujet et que ce type d’humour nous le rend contemporain. Mais si je m’avisais d’introduire en ce texte ne serait-ce qu’1cm² d’une toile « norvégienne » de J-L. Beaudonnet, des Beaux-arts de Montpellier, plusieurs lecteurs qui m’avaient suivi jusque là interrompraient brutalement leur lecture. La provocation, c’est tout un art. Et qui ne sait que, aux artistes et aux décideurs, à Dijon comme ailleurs, la moutarde monte facilement au nez. Au Frac L-R, récemment on a pu voir les tableaux très singuliers ( » autodidactes de toute espèce  » disait Christian Delacampagne) du nîmois Gérard Lattier (et du Marie Ducaté), exposé peu avant par le CAC du Cailar au côté de ceux de son ami Clovis Trouille.

14) Bien des artistes contemporains font dans la dérision, dans l’ironie, et dans l’ironie de la dérision ou la dérision de l’ironie, dans la dérision de l’ironie de la dérision etc. Moralité : pourvu que leur œuvre ne paraisse pas trop dérisoire au regard des dérisions à venir. On serait alors dans l’ironie du sort. J’en profite pour saluer Jean Azémard, André Valensi, Rachid Aarab, Sydney Houiller et Mark Willis, qui après Richard Baquié, nous ont quittés, Xavier Dejean, et à mon vieil ami Georges Desmoulies, grâce à qui le XXème est entré au musée (Da Silva, Bissières, Poliakoff..) et dans la ville. Enfin ma consoeur et ancienne collaboratrice Marie-Pierre D.

15) En art contemporain ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire qu’il ne faut surtout pas le montrer. Encore moins le dire. CQFD. De même ce n’est pas parce qu’il n’y a rien à chercher qu’il n’est pas possible de trouver. Valérie Mréjen a bien trouvé ses meilleures idées dans l’annuaire téléphonique des hôtels minables de lieux divers pointés au hasard sur la carte. C’était simple : encore fallait-il y penser.

16) En art contemporain l’important n’est pas de trouver le premier mais de prouver que l’on a trouvé. Ainsi je me souviens des vidéos de Pierre Lobstein dans les années 80, quand il se cognait la tête contre les parois du cadre du téléviseur, comme un prisonnier rendu fou par ce simulacre de claustration. On repère une intervention physique du même genre chez le regretté Absalon, sauf que cette œuvre est reconnue et pas la première. Lobstein a toute la vie pour se consoler. Et pour aller voir au Frac Tatiana Trouvé.

17) Je n’ai que peu souvent rencontré un galeriste heureux, je parle de ceux qui en vivent. Ou alors au début. Ou il forçait quelque peu sur les vitamines. Mais c’est sans doute parce que je n’ai pas encore assez voyagé. Ou que je n’ai pas rencontré les grands de ce monde. Ou encore que je suis tombé sur un mauvais jour. Et puis les plus heureux finissent par la fermer- je parle de leur galerie. Il est vrai qu’on ne les côtoie pas, ou si peu, dans leur intimité.

18) L’art contemporain privilégie le  » presque rien  » qui produit du sens, parfois beaucoup de sens. Après tout un poème de Nerval ou de Mallarmé ne valent-ils pas des recueils surdéveloppés et bien monotones ? Ainsi j’ai visité à Francfort une exposition de la mexicaine Teresa Margolles qui travaille à partir du liquide utilisé pour laver le corps des morts à la morgue. Dans certaines salles où elle employait des humidificateurs de sol ou des vaporisateurs d’air chargé d’eau morte un visiteur pressé eût pu penser qu’il n’y avait rien à voir, à sentir, à interpréter. Ce style d’exposition nous oblige à faire en quelque sorte arrêt sur image, nous qui en sommes saturés. De ce point de vue elle constitue une critique en creux du type de comportement contemporain caractérisé par la pléthore, le rythme effréné, la fuite en avant. Réveille-toi ô Brueghel, et ta parabole des aveugles, ils ne savent pas où ils vont.

19) Lorsque je vais voir une exposition d’art contemporain, au CRAC (la Chine, le dessin…) ou à Céret (Mezzapelle, Grand) par exemple dans la région, à Lyon (biennale), à Paris (XIIIème arrondissement), ou dans les villes où je passe (Amsterdam, Londres, Barcelone…), j’en reviens, en règle générale, enthousiasmé. J’aurais tendance à en déduire que ce qui ne m’enthousiasme pas n’est pas véritablement contemporain. Ou trop peu. Un moment de grâce : je regarde une expo de Bernard Veyrat à travers la vitrine du 4, Barbier à Nîmes. Un inconnu en fait de même qui finit par m’adresser la parole. Nous polémiquons poliment sur l’intéressé. Au bout d’un quart d’heure j’apprends qu’il s’agit d’Hamid Maghraoui, dont j’apprécie les portraits d’animateurs télévisés, et qui a lu mon texte sur lui. La même chose m’est arrivée peu ou prou avec Frédéric Di Martino et sa figuration éclatante de fraîcheur. J’arrive au musée de Villeurbanne, je sors ma carte de presse, le préposé à l’entrée me connaît : j’ai fait paraître jadis un compte-rendu sur lui dans Art-Press.

20) Mais pourquoi les gens se précipitent-ils aux rétrospectives d’artistes décédés depuis des lustres quand il y tant de choses à découvrir à Aldébaran, au Carré d’art, au CRAC, au Lac, chez Pannetier, à Sérignan (Magnin), à l’ESCA, Céret, atelier Neitzert, Vasistas, la Vigie, Artélinéa et même à Ste Anne (biennale des créateurs, Convert, Bart, Gauthier)… ? C’est peut-être parce que j’ai mal expliqué (Ou que mon ami Skimao explique trop bien !)…

21) Je n’ai pas la mémoire des noms. Je n’ai que celle des images. J’ai déjà vu des dizaines de fois les « watertowers » de Bernd et Hilla Becher mais impossible de me souvenir de leur nom. Il va falloir que je trouve un moyen mnémotechnique du style « on paie cher pour les Becher ». A la rigueur, les vidéos fractionnées de (Leija-Liisa) Ahtila, je vois comment je peux faire. Pour Bruno Serralongue il suffit de penser à la route, surtout quand il y balade le portrait du Che (hasta la vittoria, siempre !). Ca va être moins facile pour Rirkrit Tiravanija et ses invitations conviviales à déguster des moules. J’ai parlé de l’épidémique Yayoi Kusama comme s’il s’agissait d’un homme avant de restituer de moi-même leur sexe aux petits pois sur fond rouge dans un article plus mûrement réfléchi. Les petits pois sont blancs. J’ai longtemps cru qu’Alighiero e Boetti formaient un couple comme Pierre et Gilles ou Gilbert et Georges, ces autoportraits vivants. J’ai souvent du mal à ne pas confondre Ramette et Laurette, Lucariello se grattant les fesses face à un Véronèse ( ?) et Rugirello filmant sa tortue. Avant c’était Immendorf et Midendorf, les néo-fauves germains. Autrefois, il m’a fallu du temps pour ne pas confondre Lavier et Favier mais le premier m’a bien aidé quand il s’est mis à laver des fenêtres… Et au lycée, pas toujours facile de distinguer les derniers Manet du premier Monet, sans consulter la signature. Je crois que je saurai mémoriser Zobernig !

22) Est contemporain ce que le marché de l’art propose comme tel à ses zélés relais. Dès lors ce sont quelques décideurs, galeristes, critiques, membres de l’institution, qui orchestrent une tradition, qu’ils nomment Histoire, autour de leur autorité. Ainsi nous réduisons le suffrage d’une infinité de gens à l’autorité de deux ou trois personnes qui ayant débité une doctrine que l’on supposait qu’ils avaient examiné à fond, l’ont persuadée à plusieurs autres par le préjugé de leur mérite, et ceux-ci à plusieurs autres qui ont trouvé mieux leur compte, pour leur paresse, naturelle. Pierre Bayle, fin du XVIIème, n’aurait pas mieux dit.

23) Je définis le milieu de l’art comme un tableau qui fascine à distance. Si l’on s’en approche ses agréments diminuent, comme ceux d’une perspective que l’on voit de trop près. La Bruyère, même époque que Bayle, n’aurait pas mieux dit. Tjeerd Alkema m’a beaucoup aidé à découvrir les secrets de l’anamorphose.

24) Ce qui est gênant dans l’appréhension que l’on peut avoir de l’art contemporain c’est l’intolérance de quelques zélateurs. C’est d’autant plus regrettable que bien des réticences seraient levées si l’exclusion n’était pas ce qui détermine ce milieu par défaut.

25) On a eu de la chance en cette région : on a eu Soulages, Supports-Surfaces, la figuration libre, Joa Mogarra et Jacques Fournel. Depuis, Enna Chaton, R.Huguet, S.Moreno, P.Neyrand, Y.Caro, J.Renard, F.Khodja, S. Marsden, Mohamed-Bakir, Belkacem, Pencréach, Vila, Andrieu, Gagneux, Sylvère, d’Abrigeon, Bonicel, Molla, Robelin, Bendine-Boucar, Boileau, Racamier, Vidal, Fabro, V.Notley, Jaminet, C. Boucher plus les nouvelles générations : Bonino, Suspuglass, Tapernoux, Boitard, Vecchi, Leroy Fiévée, Moreau, Ferreira, Chartier-Poyer et David Bioulès… (j’y ajouterai Isabelle Viallat et Hans Birkmeyer) je n’évoque pas les copains et copines par souci d’éviter les reproches : C, D, S, A ou A, M et G, C, I, JL et O, J, P, P et A-M, etc.). On en est où, à présent, exactement ? Il n’y a plus beaucoup de groupe étiqueté comme tels pour des raisons pratiques ou de tendance affirmée comme on a pu le dire pour la nouvelle sculpture anglaise, le pattern painting, l’hyperréalisme, le pop art, l’op’art, l’art cinétique, cybernétique, le nouveau réalisme, l’arte povera, les nouveaux fauves, la transavantgarde, le body art, Gutaï, le land art, l’art conceptuel, le color field, le hard hedge, l’art minimal, le mec art, le process art, la figuration narrative, Fluxus, le simulationnisme, la bad painting, le néoconceptuel, le néogéo, le néosymbolisme, le néonéo, je les cite comme ils me viennent pour ne pas remonter plus haut à Cobra, l’abstraction lyrique, l’action painting, le lettrisme, le surréalisme, Dada, etc. La tendance est à l’expression individualiste de comportements, postulations, attitudes et interventions circonscrites et circonstanciées. Pourtant on sent comme une nostalgie du collectif : aussi voit-on refleurir les expositions thématiques autour d’un concept censé « mettre en questionnement » la contemporanéité : jardins, enfance, zanimaux, dessin, primitif, beauté. Mais rassurez-vous, ce seront toujours les mêmes qui illustreront ces concepts. Daniel Tillier, malgré ses palettes, ses couleurs flottantes et marteaux-piqueurs n’a que peu de chance de s’y voir intégré. C’est dommage pour le public.

26) J’ai souvent rêvé que je dormais sous un édredon dessiné par Viallat. Je n’ose dire à qui me fait penser le pyjama. Et après, sous la douche avec Bill Viola ! Serviette et gant de toilette signés Ben. Garderem lo moral ! Les artistes ça sert aussi à ça ! On ne regarde plus dès lors les choses de la même façon !

27) Pourquoi faut-il que la notion même d’art contemporain soit problématique ? Pourquoi ne pas traiter de théâtre contemporain, de danse contemporaine, de littérature, de poésie ? C’est sans doute parce qu’il y est question d’objet à valeur d’échange. L’Occident n’a toujours pas réglé sa relation anale aux marchandises mises en circulation. L’à jeter est acheté.

28) Il en faut pour tous les goûts. Si tout le monde disait du bien de l’art contemporain, comment celui-ci se constituerait-il comme tel ? Chaque cercle humain se définit par le rejet de sa périphérie. C’est pour ça que je disais dernièrement et avec ironie à propos de la production d’un couple d’artistes en vue (M&LS), qu’il fallait absolument que la périphérie pénètre le Centre afin de l’irriguer et d’éviter qu’il ne fonctionne en vase clos (la dérision de l’ironie de la dérision, la lecture rapide d’un chapeau dans Art Press qui ferait autorité). Quel artiste amènera la périphérie vers le milieu ?

29) Je ne comprends pas comment les gens que l’on dit compétents en matière d’art contemporain ont pu passer à côté de l’œuvre de Clarbous, de Léonési, de Tillier, Depralon, Bilas ? Ou ils sont mal conseillés, ou ils ont des yeux mais pour ne point voir, ou bien ils ont une ligne de conduite, plus ou moins officielle et n’en dévient pas. On assure que les élites ont tendance à se reproduire entre elles (Bourdieu). Je trouve élégante la façon dont Philippe Cazal les interpelle dans les photos où il se met en scène.

30) Si certains noms cités dans cet article vous sont inconnus, vous pouvez toujours les trouver à partir d’un moteur de recherche. On trouve tout sur Google ou Alta Vista. Y compris Hubert Duprat (à juste titre). J’ai reçu ces jours-ci ce mail :  » L’agence-ferdinandcorte.com commence 2005 avec des changements majeurs. Ses acteurs et membres ont décidé de restructurer l’unité juridique et fiscale de son réseau interne, NUWEL… Anciennement entreprise de recherche et développement en sciences humaines et sociales, NUWEL se verrait restructuré(e) en association, de type loi 1901. En effet, la vocation de l’agence… étant moins économique que sociale, il semble qu’une forme entreprenariale ( ?), après un an et demi d’expérimentation, paraît moins justifiée que  » la convention par laquelle (…) plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices  » (définition de l’association dans le premier article de la loi de 1901). L’assemblée générale constitutive de l’association NUWEL se tiendra le 24 février 2005 à la galerie Patricia Dorfmann. Lors de cette assemblée, les membres fondateurs s’accorderont sur les futurs statuts de NUWEL comme sur la charte qui unira ses adhérents, ils éliront son conseil d’administration, ils détermineront les différentes catégories de membres.  » Un conseil d’administration dans une galerie d’art ! L’art et l’entreprise ne se différenciant plus. Ni l’art de la vie… Quelle porte ouverte aux créateurs de demain !

31) Un écrivain très attaché à la France et à ses racines, appelons-le RC a subi les pires avanies sous prétexte qu’il avait avancé l’idée qu’une communauté était surreprésentée parmi la gent journalistique des radios culturelles (il en reste) qu’on dit nationales. Ne comptez donc pas sur moi pour affirmer que la tendance féminine, directe ou indirecte, est dominante dans le milieu qui nous préoccupe, que cela expliquerait peut-être l’incompréhension dont il est l’objet. Je n’ai en effet pas envie d’être taxé de sexisme ou de Xphobie, d’autres s’en chargeront, qui exploiteront le filon. En attendant, il faut faire avec, qui en italien et via le latin se dit « con » Con-temporain. Suis-je con ? Je n’ai même pas pensé à effacer les moustaches à la Joconde ! J’oubliais : Ceci n’est pas une critique.

BTN (31-12-04 à suivre). Ce texte m’a été commandé par L’art-vues. Il a été publié dans le numéro Février-Mars 05

CRISE, C’EST SYMPA
DIX REMARQUES SUR LA CRISE DANS L’ART CONTEMPORAIN (1)

  1. Le jour où l’on me montrera l’Homme autrement qu’en état de Crise, c’est qu’on aura affaire à un Homme heureux et les Hommes heureux n’ont pas d’Histoire. Or les Hommes sans Histoire n’ont pas l’idée, en règle générale, d’en faire de l’Art. La Crise évidemment ne saurait faire que des heureux mais elle ne fait pas non plus que des malheureux. Comme toujours les plus malins tireront les marrons du feu. Dans la jungle la sélection naturelle prévaut.
  2. Parlait-on de crise en pleine guerre ? La crise est au fond un luxe de privilégié qui réalise soudainement que les états supposés pérennes de stabilité ne sont pas faits pour durer, et que ce n’est pas parce que nous avons vécu quelques décennies relativement stables qu’il en a toujours été de la sorte ou qu’il en sera toujours ainsi. Si bien que, crise ou pas, il vaut mieux un marché de l’Art qui ferait grise mine que pas de marché de l’Art du tout. En 45, le marché de l’Art à Berlin, Dusseldorf, Hanovre…
  3. Evidemment que, s’il y a crise économique, avec les conséquences que l’on sait sur les budgets des moyens et gros salaires, cela ne peut qu’affecter un milieu de l’art qui dépend étroitement de la sérénité économique des pays riches ou en voie de le devenir. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Certains au contraire placent leur argent dans les valeurs sûres. Souvent les grands noms du passé (Les morts sûres). La question serait plutôt : celles-là sont-elles encore accessibles ? Où et comment les trouver ? Doit-on miser sur des valeurs moins sûres mais susceptibles de le devenir ? Oui mais lesquelles ? Qui va en décider ?
  4. Il faut être aveugle pour ne pas s’apercevoir que la crise ne touche pas en règle générale les plus gros, disons les plus prospères, ceux qui achètent régulièrement de la peinture. La question serait plutôt de savoir si ceux-ci continuent en effet à acheter régulièrement de l’art en général et pour quelle raison ils le feraient ou continueraient à le faire. Je serai marchand d’art je me préoccuperai en premier chef de leur éducation.
  5. J’ai toujours été agacé par le terme de collectionneur qui, en matière d’art, ne regroupe au sens strict du terme qu’un nombre réduit d’individus dont c’est en quelque sorte la passion ou la manie dominante, par conviction profonde, par compulsion irrépressible ou pour épater la galerie. Mais le gros des acheteurs n’est pas forcément victime d’une épidémie de collectionnite aigüe. Ceux-ci fonctionnent par coups de cœur, par estime flatteuse ou solidarité généreuse, voire de manière totalement velléitaire, dans le sens d’un effet de mode J’ai bien peur du coup qu’il y ait davantage d’offres que de demande et que, en conséquence, à moins d’affiliations à des réseaux plus ou moins occultes et qui m’échappent, bon nombre, parmi les moins avisés, n’aient plus qu’à mettre la clé sous la porte.
  6. Le collectionneur, si collectionneur il y a, est comme le joueur : il ne peut se passer de collectionner. Ce n’est donc pas la crise qui va l’arrêter. Simplement, comme pour certains fumeurs, il arrive que l’on s’arrête soudainement de collectionner pour des motifs divers et que l’on réalise alors que l’on peut très bien s’en passer, qu’il y a d’autres raisons de vivre, un autre mode de vie envisageable. C’est qu’à l’instar de toute chose la manie de collectionner n’est pas forcément faite pour durer. Je serai marchand d’art je me poserai la question : comment fidéliser ma clientèle.
  7. Evidemment le rêve de tout artiste c’est de vivre de son art c’est-à-dire au fond dans l’aliénation virtuelle aux lois du marché ou aux institutions qui le soutiennent. Mais au fond la crise dans le marché de l’art doit moins préoccuper qu’une crise potentielle dans l’Art. Car sans le marché il peut toujours exister des artistes, surtout s’ils ont l’idée de se regrouper en associations, mais sans artistes on ne saurait donner cher de la vie ou de la vitalité du marché de l’art. La question est donc plutôt : L’Art est-il en crise ? Franchement je ne le pense pas.
  8. Certains artistes ont du mal à s’en sortir mais c’est parce qu’ici aussi il y a davantage d’offres que de demandes. La question serait donc plutôt : Dans quelle mesure a-t-on besoin d’un trop grand nombre d’artistes et comment faire en sorte que la demande soit plus forte de la part du public des éventuels acheteurs, ou du moins admirateurs. Dans quelle mesure une société peut-elle supporter financièrement ses artistes ce qui revient à dire : quelle place la société accorde-t-elle, non seulement à l’Art, mais aux divers aspects du divertissement en général ? Celui-ci est-il toujours nécessaire et qui décide alors de la qualité des divertissements proposés ? Je serai artiste, avant de me lancer dans une carrière professionnelle, je commencerai par me demander dans quelle mesure la société a besoin de moi. Et j’agirai en conséquence. D’ailleurs c’est ce que j’ai fait.
  9. Un illustre président a-t-il arrêté la série programmée des grands travaux de son septennat sous prétexte qu’apparaissaient dans notre vocabulaire courant des expressions aussi économiquement incorrectes que « nouveau pauvre » ou « sans domicile fixe » et que nous avoisinions les trois millions de chômeurs ? Au contraire ! Et il n’est pas sûr que Versailles ait été bâti en pleine période de prospérité du plus grand nombre ! Qu’en reste-t-il au regard de l’Histoire ? Les grands travaux toujours ! Les victimes de Crise, qui s’en préoccupe ? A fortiori des petits artistes, des petits galeristes et des petits supposés collectionneurs sans le sou.
  10. Imaginez un prix Nobel en littérature, disons Claude Simon puisque c’est notre régional – Ou Michel Butor qui le mérite autant et nous a si souvent rendu visite. Ou notre plus grand poète : Yves Bonnefoy. Imaginez le temps qu’il a dû mettre à écrire la douzaine de romans qu’il a composés dans sa vie, la valeur incontestable de son œuvre, sa place éminente dans l’Histoire de la littérature. Eh bien jamais ces grands auteurs n’auraient pu aspirer à vivre de leur plume. L’un fut viticulteur, les autres enseignants ou traducteurs. Comparer les bénéfices qu’ils ont tirés de ce travail quotidien et ingrat, mettez-le maintenant en balance avec les cotes atteintes par quelques artistes vivants pour une seule  leurs œuvres. Qu’en conclure ? Pour moi qu’il y a deux poids deux mesures. Si la Crise avait pour effet d’assainir le marché et de rééquilibrer les valeurs  c’est-à-dire de remettre les choses à leur vraie place, je ne verrais concevrais- aucune raison d’avoir à m’en plaindre. Peut-être concevrais-je les choses autrement si j’étais devenu l’hagiographe de Damien Hirst, Jeff Koons ou ne serait-ce que Fabrice Hyber. A priori, c’est raté. Mais bon, vais-je pour autant en faire une crise ? Faute de grives… BTN

 

(1) A ajouter à mes 31 remarques sur l’art contemporain. L’art-vues. Février 2005.