ATELIER D’ÉCRITURE OUI MAIS POUR QUEL OBJECTIF ?

Les travaux d’écriture, et notamment la dominante narrative, occupant une place prépondérante dans l’enseignement du Français au collège et bientôt sans doute en lycée, on peut s’interroger sur la vogue actuelle des ateliers d’écriture, prolongeant la formule célèbre d’Isidore Ducasse : La poésie doit être faite par tous. Non par un. Un atelier pour chacun dans un Collège pour tous (et un Lycée pour ceux qui  » restent « ), comment ne pas souscrire à une telle ambition. Oui mais l’écriture dans tout ça ? Peut-on s’improviser écrivain sous prétexte que l’on a compris le fonctionnement du conte, le schéma actantiel du roman policier ou perçu les champs lexicaux propres à la Science Fiction ?

L’écriture étant de facto l’une des composantes essentielles des  » nouveaux  » programmes de français, on voit mal la nécessité de la faire fonctionner en atelier, sinon à supposer que la pratique de l’écriture, pour l’instant en collège, ne sort pas du cadre figé des instructions officielles et, partant, ne témoigne d’aucune recherche d’originalité (que l’on réclame pourtant des élèves).

Beaucoup d’enseignants perçoivent l’atelier d’écriture comme une option soumise au volontariat, ne concernant que des groupes restreints d’élèves motivés et qui ne trouvent pas, dans le cadre traditionnel de l’enseignement qu’on leur dispense, les conditions d’expression idéales, à même soit de les conduire à un plein épanouissement de leurs qualités potentielles, soit de les réconcilier avec leur langue.

Aussi préfère-t-on déléguer cette mission à des intervenants extérieurs, généralement des écrivains, ou professionnels de l’intervention en milieu scolaire, sujets supposés savoir-faire, vous livrant clés en mains des propositions à même de susciter l’adhésion des élèves. L’enseignant se charge alors de l’orthographe, de la syntaxe, éventuellement des registres de langue, bref de ceux qui relève de ses compétences supposées, autant que possible correctrices puisque telle est sa vocation, bref de la basse besogne. Et le tour est joué.

Mais qui écrit réellement le texte ? Lequel d’entre nous ne s’est jamais senti sceptique face à ses recueils de contes ou nouvelles trop professionnelles pour être du cru des seuls élèves, à ses histoires bien proprettes auxquels ne manquent que les maladresses et les excès qui font tout le charme des authentiques productions de jeunes amateurs. D’aucuns ont trouvé leur Bible dans la petite fabrique d’écriture publiée chez Magnard – merci l’Oulipo. Le seul écueil provient du fait que la notion de ludique n’a pas le même sens pour un élève que pour un adulte et que l’on est très éloigné, avec les contraintes formelles à même de susciter du sens, de la volonté d’expression créatrice qui tiraille, de manière quelque peu brouillonne, la mentalité adolescente. Alors que faire ? Et pourquoi les professeurs n’inscriraient-ils pas le projet d’écriture en atelier – puisqu’atelier il y a -en tant que finalité annuelle de leur projet pédagogique ? Sous forme de concept fédérateur à même d’harmoniser toutes les activités de l’année, à moins de l’envisager, plus simplement, sous forme de séquence dont il conviendra de préciser les critères d’évaluation qui ne sauraient être ceux utilisés pour les rédactions traditionnelles (syntaxe, registre de langue, respect d’un schéma narratif ou actantiel pieusement observé). Combien de chefs d’œuvre de la littérature contemporaine, plus particulièrement pour la jeunesse, ne résisteraient pas à la fâcheuse manie qu’ont certains professeurs de remplir les marges de remarques négatives, n’envisageant une production que selon ses déficits, procédé dont l’efficacité reste à prouver : de Zazie dans le métro à Quand j’avais cinq ans je m’ai tué (sic) de Buten en passant par La cantatrice chauve, les paronymes de Tardieu, les néologismes de Michaux, certains calembours de Ponge, la série des Malaussène de Daniel Pennac ou celle des Parpot d’Alain Monnier (Ed Climats) dont on donnera tout de suite un extrait :

J’ai envoyé vingt-sept lettres qui ne m’ont pas répondu, et je n’arrive pas à vivre car sans argent on ne peut avoir l’amour comme les autres qui ont une maison, les rideaux aux fenêtres et souvent même le livret de famille et les feuilles d’impôts qui le prouvent. Le plus important est que je retrouve ma Claudine Courvoisier de Novembre 90 que j’aime et que je lui explique que je me consacrerai à elle tout le temps sauf les heures de mon travail de comptabilité dans votre entreprise. Voudrez-vous m’aider ? Le travail est très important pour la vie mais peut-être que ma Claudine vous écoutera si vous lui expliquez que les durées indéterminées n’existent plus et aussi que je suis un garçon comme il faut qui n’a même pas eu de rapports intimes avec lui-même, ni à l’école quand on s’ennuie et qu’on attend. Il faut lui expliquer aussi que je n’ai jamais vu une femme complètement nue, que ma Claudine Courvoisier sera la première femme que je verrai en vrai sans vêtements et que même quand j’en ai envie je vais pas voir les films exprès pour garder la surprise d’elle intacte. Je souffre de ne pas avoir de vêtements neufs pour moi et pour ma femme Claudine à qui je veux offrir les plus beaux grâce à un salaire élevé et mérité par les responsabilités de comptabilité. Il faut que Monsieur le directeur vous retrouviez mon amour, pour moi parce que j’ai pas eu de chance avec la vie et maintenant je veux que ça change grâce à vous. J’envoie cette lettre à VOUS SEUL, parce que je vous regarde souvent dans la rue avec votre voiture et vous deux beaux enfants et votre jolie femme aussi quand elle accompagne vos deux beaux enfants à l’école le matin à huit heures trente-cinq. Ils ont l’air de bien manger et c’est sûr que comme moi ils sont sérieux à l’école… Je laisse au lecteur perspicace le soin de définir l’identité, le statut social, le  » niveau  » intellectuel de l’énonciateur de cette lettre expédiée à un directeur d’entreprise dans le roman sans narrateur d’Alain Monnier (Signé Parpot, paru aux éditions Climats).

Il va de soi que ce sont justement toutes les incohérences et aberrations syntaxiques qui sont ici porteuses de sens. Les sanctionner au nom de la correction de la langue serait la véritable aberration. C’est d’ailleurs parce que le directeur en question prend cette lettre par dessus la jambe (à la subtile allusion aux enfants sortant de l’école près) qu’il mettra en quelque sorte le doigt dans un engrenage dont il ne sortira pas indemne. Comment dès lors reprocher à un élève, dans le cadre de travaux d’écriture ponctuels où il est censé laisser libre cours à son imagination et donc aux stratégies formelles intuitives qui sous-tendent cette dernière certaines déviances syntaxiques. C’est sa langue à lui que l’on mutile. Autant demander à un auteur de rap d’écrire en alexandrins ! Prudence donc dans notre façon parfois castratrice d’aborder la  » correction  » des erreurs, impropriétés et maladresses supposées.

Revenons à notre atelier incrit dans le projet. L’importance accordée à la grammaire du Discours et à celle de son corollaire naturel le Texte fait que la somme des acquisitions techniques des élèves en Collège, relativement aux genres littéraires, a fortiori en lycée, peut très bien s’accommoder de l’élaboration sommative d’un acte d’écriture complexe dont nous donnerons un exemple ci-dessous. Pourquoi ne pas réserver la fin de l’année scolaire (ou la fin d’un trimestre, entre les conseils de classe et les vacances par exemple) à la fabrication d’une pièce de théâtre par exemple qui réinvestirait la synthèse des acquisitions de l’année scolaire ou du trimestre. En 5ème, où Rabelais et le Moyen Age (Farce de Maître Pathelin) sont au programme, il serait intéressant d’appliquer les connaissances des élèves en matière de dialogue, de dominante descriptive, d’initiation à l’argumentation etc. à une adaptation libre, soit respectant le contexte historique ce qui oblige à des recherches d’ordre documentaire, soit au contraire transposant les faits dans la réalité quotidienne des élèves. Le dialogue présente en effet cet avantage que chaque locuteur s’adresse à un destinataire, le travail de rédaction se trouvant pour l’ élève facilité car finalisé (registre de langue, stratégie énonciative…).

Certains fabliaux comme Les 3 bossus ménestrels, le vilain mire, les 3 aveugles de Compiègne se prêtent admirablement à ce genre de transposition. Il suffit de travailler à un découpage en unités significatives s’inspirant du nombre de rangées dans la classe pour former les groupes. Ainsi pour le Vilain mire, lu au préalable par les élèves, a-t-on été amené à établir un découpage en 5 parties ou actes travaillés en autant de séances :

1) Le vilain bat sa femme avant de partir aux champs.

2) Cette dernière profite du passage de chevaliers en quête d’un guérisseur pour se venger en faisant passer son mari pur un fabuleux docteur.

3) Conduit au château du roi, le vilain guérit à sa façon la princesse afin d’éviter les coups.

4) Il est amené à soigner ensuite, à sa façon, tous les estropiés du royaume.

5) Sa femme vient le récupérer…

On peut ensuite découper chaque acte en autant de parties ou scènes qu’il est nécessaire. Prenons par exemple l’acte 1. Il peut être fragmenté en 5 scènes :

1) Le vilain termine son déjeuner et fait appeler sa femme. Monologue incluant une description flatteuse de l’intéressée ou dialogue avec une servante se contentant d’approuver.

2) Il fait des compliments à sa femme, enlaidie par la douleur, mais la bat avant son départ. Scène de type farce (poursuite, comique de répétition).

3) Elle se lamente et réclame l’aide de quelqu’un. Nouveau monologue, narratif, sur les conditions de son récent mariage par exemple ou sur les mauvaises habitudes du mari jaloux. 4) La voisine, ou la servante, survient et lui conseille de se venger. Dialogue à visée argumentative.

5) L’idée fait son chemin. La femme interpelle le ciel pour qu’il lui donne l’occasion de mettre son projet à exécution (transition avec l’acte suivant où apparaissent les chevaliers).

Chaque groupe travaille sa scène (éventuellement à tour de rôle). Le professeur s’applique à assurer le minimum d’unité de ton. Il est en quelque sorte le chef d’orchestre. Il aide les élèves à développer leurs projets. Il souligne les éventuelles contradictions non justifiées. Il cherche avec les élèves la tournure la plus adéquate sans jamais l’imposer. Le sixième groupe peut être préposé aux didascalies. Le professeur passe d’un groupe à l’autre pour interroger les élèves sur les écueils rencontrés. Il insiste sur les spécificités du genre théâtral qui nécessitent une clarté maximale pour le spectateur et le recours à des indications scéniques pertinentes. On voit apparaître ici au moins deux objections : La finalité pédagogique d’une création scripturale est-elle compatible avec les nécessité d’un programme traité de manière exhaustive ? Le poids des effectifs ne rend-il pas sinon impossible, du moins extrêmement difficile la conduite d’une séquence axée sur une production aux critères d’évaluation incertains.

La question de l’évaluation est, si tant est qu’elle ait à se poser, comme toujours, un faux problème : le but de l’enseignement ce n’est pas la note mais l’acquisition de connaissances à même de contribuer à l’épanouissement de l’individu censé accéder au statut de citoyen acceptable et intégré. Ici encore il faut sans doute faire preuve d’audace et de sens de l’opportune innovation. A l’heure des crayons optiques, du traitement de texte et des correcteurs de poche il faudrait sans doute cesser de traumatiser les élèves avec une sévérité orthographique démesurée par rapport à son usage spontané dans la vie quotidienne. L’essentiel n’est évidemment pas là pas là (Remarque d’une maman après avoir lu la production de sa fille : Tu as oublié une  » faute  » là, là et là ! Drôle d’encouragement à poursuivre dans cette voie ! ). Après avoir défini d’un commun accord avec les élèves des critères d’évaluation (aptitude à adopter un rôle, cohérence entre le ton adopté et le caractère du personnage, principe de non contradiction, prise en compte du spectateur, originalité des propos…), pourquoi ne pas établir un classement des meilleures productions, lues de façon anonyme à la classe, et mettre une note au-dessus de la moyenne à celles classées en tête. La note du prof équilibrerait les éventuels dérapages et rectifierait les injustices flagrantes.

Certes les élèves qu’on supposait les meilleurs, perturbés dans leurs repères rassurants parce que répétitifs, se vexeront temporairement de se voir dépassés par des élèves réputés faibles (au vu de certains critères usuels d’appréciation). Quelle leçon implicite de démocratie pourtant et quelle expérience enrichissante pour eux que d’éprouver, pour une fois, ce que ressentent ceux qu’ils dépassent habituellement. Un peu d’humilité n’a jamais fait de mal à personne. Mais les effectifs trop chargés ne rendent ils pas la situation ingérable ? Ici encore, on peut facilement passer outre cet écueil en jouant avec la topographie d’une classe moyenne. Divisée généralement en trois ou en six rangées, elle offre un découpage arbitraire qu’il convient d’exploiter. Rien n’empêche en effet le professeur de confier à chaque rangée une mission particulière, une sorte de rôle si l’on préfère, autogérée ensuite dans le détail par les élèves. Un exemple : si la rangée numéro 1 joue le rôle des personnes censées porter des jugements négatifs sur le protagoniste de l’histoire, chacun pourra justifier ce derniers en fonction des rapports entretenus avec lui, des anecdotes qui en témoignent, des propos rapportés par ouïe dire à son sujet. C’est assez dire si la conduite d’un atelier d’écriture doit fixer des objectifs clairs aux élèves, objectifs que l’on peut tout à fait leur faire trouver par eux mêmes en pratiquent une démarche inductive, les préoccupations prévisibles des élèves s’avérant en général assez simples à recenser (désir de transgresser des interdits, opposition aux adultes et à la loi, besoin de se forger des réseaux aux goûts communs…).

Pour ce qui concerne la production d’une création romanesque, il vaut évidemment mieux s’en tenir à l’élaboration d’un court recueil de nouvelles sur un thème qui intéresse les élèves : anecdotes mettant en scène des animaux, petites histoires comiques de la vie quotidienne… mais on risque de se rapprocher dangereusement de l’exercice scolaire traditionnel de type rédaction ou sujet d’imagination. Par ailleurs, revient sur le tapis le problème de la difficulté d’implications des élèves dans un projet collectif . Le regroupement lié à la carte scolaire peut nous être ici un précieux recours. La vie du quartier, ou la vie au village, fourmille de faits divers plus ou moins dramatiques qui pourraient servir de prétexte notamment s’ils concernent en premier chef la vie des jeunes : fugues ou disparition, accident ayant donné lieu à des rumeurs, règlement de compte, rencontres… Nous donnerons ici pour exemple un découpage expérimenté au collège de Fontcarrade à Montpellier, avec quelques élèves  » à problème « , puis avec une classe de seconde au lycée Champollion, enfin dans le cadre d’un parcours diversifié avec les cinquième des Garriguettes à Vergèze.

Il s’agissait de confier à chaque élève ou groupe d’élèves un rôle, plus ou moins répertorié collectivement afin de trouver une justification crédible à leur intervention écrite. Par ailleurs le changement de technique d’écriture, d’un chapitre l’autre, évite la monotonie et donne une approche différente de l’univers fictif que celle proposée par la littérature officielle qui ne saurait, en ce siècle nouveau passer sous silence les diverses innovations ayant enrichi les postulations relatives au récit : du Gide des Faux monnayeurs à l’écriture discontinue pratiquée par un Butor, un Maurice Roche, un Alain Monnier pour ne point aborder les tendances nouvelles d’une littérature romanesque faite de petits blocs incisifs et concis (que l’on pense à Régine Detambel).

FAIT DIVERS PRETEXTE : LA DISPARITION D’UN CAMARADE DE CLASSE Nombre de séances prévues : 7

Objectif : productions individuelles intégrées à un projet collectif.

Stratégie : distribution de rôles par tirage au sort à partir d’un canevas modulable selon l’opportunité.

Faire correspondre le nombre de narrateurs du texte au nombre de participants à l’atelier. Remarque : on cherchera davantage l’authenticité que les effets de style. Il s’agit ici d’une prise de contact et d’initiation à quelques procédés narratifs.

Première séance : Les enquêteurs trouvent une lettre anonyme élaborée à l’aide de coupures de journaux. Technique d’écriture : le découpage et collage de manchettes de journaux. Déroulement de la séance : – S’inspirant des jeux surréalistes on montre aux « écrivants » que le rapprochement aléatoire de termes indépendants les uns des autres est porteur de sens. – On leur fournit un exemple de lettre qui, sans renier les règles de la syntaxe, s’appuie sur des découpages plus ou moins fortuits empruntés à un journal de façon à aboutir à la production d’un texte énigmatique. – Travail de recherche. Certains termes plus ou moins dramatiques ne manqueront pas d’apparaître. Ils seront les indices d’une éventuelle enquête effectuée par les apprenants. Plus le texte produit sera obscur voire hermétique, plus le champ d’investigation de l’imaginaire sera ouvert. – On retient la lettre la plus riche et la plus significative. Au besoin on mêle des extraits de lettres qui semblent produire des effets de sens pertinents. Autre possibilité : un texte en acrostiche révélant une piste d’investigation possible.

Deuxième séance : Chaque camarade du disparu est interrogé par la police (ou par un journaliste) pour donner son avis sur la disparition en y intégrant des références à la lettre. Technique : Une première personne évoque le disparu à l’intention d’un interlocuteur muet. Objectif : Texte présentatif incluant un portrait du camarade, évocation de quelques souvenirs communs, interprétation de la disparition, du sens à prêter à la lettre (si sens on suppose). -On se met d’accord sur quelques détails communs concernant le disparu (âge, taille, comportement en classe, à l’extérieur…). On demandera aux écrivants d’y faire allusion sans trop insister, l’intérêt se portant sur leur vision subjective du disparu selon leurs sentiments à son égard. -Chacun tire son rôle au sort. Garçons et filles. La liste peut être établie avec les intéressés. Il peut s’agir du copain, du rival, du lèche-bottes, de l’hypocrite, du camarade avec qui il faisait du sport, de celui avec lequel il échangeait des disques, d’un à qui il était parfaitement indifférent, d’un qui le haïssait, ou au contraire le vénérait, d’un optimiste etc. Pour les filles, une ancienne petite amie, la copine de cette dernière, la concierge, l’étourdie, la délurée, la groupie, la bosseuse, la pessimiste, la timide, la mythomane, la pleurnicharde la pédante, etc. – Production d’un texte. 20 lignes environ sauf pour les bavards et les proches qui ont davantage de choses à dire (à nuancer car les proches peuvent s’avérer discrets, pudiques…). -Passer derrière les apprentis-écrivains afin de rappeler les détails prédéterminés ou discuter d’une invraisemblance notable, d’une incohérence éventuelle eu-égard aux décisions collectives (erreurs sur l’âge, la ville etc.). -Lecture individuelle et discussion en vue de possibles corrections.

3ème séance : Le soir chacun rentre chez soi (exception possible à exploiter). Chacun à sa manière éprouve le besoin de s’exprimer plus intimement sur ce qu’il vient de vivre. On se répartit les rôles en fonction d’une certaine cohérence. Techniques : récit d’un rêve, d’un cauchemar, relaté le lendemain dans un journal intime. – monologue intérieur assez brut renvoyant à ce qui n’a pas été dit aux enquêteurs. – rédaction d’un poème plus ou moins automatique où intervient le souvenir du disparu. – Coup de fil à un camarade absent ce jour-là pour l’informer de l’événement. – Conversation sur le sujet avec les parents. Emission d’hypothèses. – Récit à un proche d’un épisode comique concernant le disparu ou compte-rendu par identification au disparu des derniers instants précédant sa disparition (son assassinat, son enlèvement, sa fugue…). Divagation. Trois, quatre écrivants travaillent sur tel ou tel thème. On conserve les meilleurs. Eventuellement on combine des morceaux choisis. -Lecture et réflexion commune.

4ème séance : Un dialogue entre élèves au bistrot ou devant le collège (ou lycée). Chacun a reçu une lettre dactylographiée, non signée, dans laquelle il est fait allusion à ce que chacun a dit, pensé, ou dit avoir pensé du disparu. Certains privilégieront l’option fantastique pouvant expliquer la révélation de détails connus seulement d’eux-mêmes. D’autres l’option réaliste : il peut s’agir ou du disparu qui a bien calculé son coup pour se venger de la classe (informé par un complice), soit d’un de ses camarades qui cherche à le venger (de quoi ?), soit d’une farce. La lettre est adressée de façon inquisitoriale. Le récepteur est dans la position de l’accusé. On pourrait imaginer qu’elle fait allusion à ce que chaque camarade serait à même de se reprocher eu égard à ses rapports avec le disparu. Les lettres peuvent être de ton différent. Certaines peuvent s’avérer amicales (malgré les reproches), complaisantes, d’autres blessantes, injurieuses, venimeuses… Elles peuvent être longues ou courtes selon que l’émetteur éprouve de la haine, de l’indifférence, du respect… Les rôles ici sont inversés puisque l’écrivant doit imaginer ce que le disparu pense de lui. Même travail de mise en commun que précédemment.

Cinquième séance : Le temps a passé. Le professeur de français, en fin d’année demande de commenter un fait divers. Naturellement les élèves ont tous choisi le même. Chacun, avec le recul tire un bilan écrit de cette affaire suivie de près par les journaux. Evocation d’hypothèses. Comment l’enquête s’est-elle terminée ? Chaque opinion rejoint-elle celle des journalistes ? Qu’est-ce que cette disparition a appris sur un plan personnel… Rédaction, avec le recul, des versions possibles du destin du disparu. Evocation de faits oubliés auparavant et qui eussent pu être des indices avant-coureurs. Certains refusent de jouer le jeu et l’écrivent au professeur. Autre possibilité : concours de poésie. Les élèves proposent, d’un commun accord, d’expédier des textes en acrostiche en jouant sur les nom et prénom de la disparue.

Sixième séance : Grand émoi parmi bon nombre de camarades de classe. Certains croient avoir aperçu le disparu (énumérer les transformations physiques possibles) sans être à même de l’identifier formellement. Conversations téléphoniques sur les circonstances de le rencontre. Où, quand… Lui a-t-on parlé ? Comment a-t-il réagi ? S’est-il enfui ? L’a-t-on perdu de vue à cause de la foule ? Ici encore conserver les meilleures productions en s’arrangeant pour diversifier les hypothèses.

Septième séance : Beaucoup plus tard, paraît un article de journal (à rédiger). Tous les journaux ne délivrent pas la même information en fonction de leurs lecteurs potentiels, de leur public politique etc. – Il annonce la mort d’un inconnu qui pourrait être le camarade disparu. – Il révèle l’arrivée en ville d’un personnage illustre derrière lequel chacun croit reconnaître la disparue. – Il annonce la parution d’un ouvrage, sous pseudonyme, à succès où chacun croit reconnaître des références à votre classe. – Il explique qu’un mystérieux individu se prétend l’assassin du disparu. – Le journaliste porte le nom du disparu… L’information peut être répercutée par la télé, la radio (régionale, nationale,  » libre « , périphérique etc., une affichette…).

Naturellement, il convient d’adapter une telle trame à le personnalité des élèves. A Fontcarrade un participant a tenu à écrire un rap à l’attention de l’éventuelle disparue. A la suite de la lettre évoquée en quatrième séance, certains élèves ont imaginé un rendez-vous crypté avec la personne recherchée mais en laissant planer un doute sur son identité réelle (était-ce bien elle ? Il faisait sombre et elle se tenait à distance…). Avec des cinquième on sera sans doute moins ambitieux. Il convient que les élèves assurent eux-mêmes la mise en forme de leur texte sur ordinateur. Ils peuvent ainsi apporter toutes les modifications souhaitables au niveau de la mise en page notamment, mais aussi de l’orthographe et du recours éventuel aux synonymes. Enfin, il faut s’arranger pour leur fournir à chacun un exemplaire relié au moins afin de leur rendre sensible la finalité sociale d’un écrit.

Enfin, il nous semble qu’un atelier d’écriture ne peut fonctionner que si les participants trouvent du sens à ceux qu’ils font. La transposition de leurs connaissances quotidienne vers la création d’un univers fictif est à même de les concerner, davantage que des jeux sur les sons ou les contraintes syllabiques, qui les amusent un moment mais sans vraiment emporter leur adhésion. La conduite d’un atelier d’écriture ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans le cadre d’un projet précis d’enseignement, qu’il s’agisse de la volonté d’un professeur d’expérimenter une pédagogie différenciée ou de celle d’un chef d’établissement de récupérer des élèves en voie de perdition comme ce fut le cas pour nous au collège de Fontcarrade. Il ne saurait question de juger les productions d’élèves au même titre que les textes publiés par les éditeurs patentés. Aussi proposons-nous de créer un catégorie littéraire à part, la littérature  » de  » la jeunesse dont l’histoire dira si elle est promise à un brillant avenir.

 

Visuels : Le deuxième document est précisément un atelier d’écriture conduit au collège de Vauvert.