(Sollicité par un aficionado, j’ai retrouvé au fond d’un tiroir cet inédit sur Pascal Comelade, avec qui j’étais bien copain à une certaine époque)…

PARALELO, 33 tours de Pascal Comelade


Enfin il est sorti ce nouveau 33 tours. Naturellement aux frais de son auteur. Car qui tient compte ici de la qualité dans les réalisations des artistes prospectifs ?
Pascal Comelade propose une série de 14 pièces résolument répétitives. Par les miracles du mini-synthétiseur, les boucles se suivent mais ne se ressemblent pas.
« Mouvement décomposé d’un coup de marteau », ouvre –ô combien – le feu. Quatre boucles interfèrent pour onze minutes d’hallucination acoustique. Au fond, l’Une module un grave caverneux de guimbarde. La Deux grillonne l’effet duel et strident d’une machine des temps-modernes. La Trois pulse imperturbablement ses propositions rythmiques au timbre de caisse claire. La dernière, plus ambiguë, noue et dénoue sa structure accélérée. Imperceptiblement, comme on ne l’attendait plus, elle attaque, double et prend les commandes, conjuguant l’ensemble en une superbe altération finale. Et je défie qui que ce soit de na pas y repérer des consonances et une couleur méditerranéennes.  L’humain prend le dessus et avec « Good-bye Wyatt hat », un tantinet humoristico-romantique, éternelle expression enjôleuse d’une inépuisable rêverie. Quelques mesures pianistiques d’une mélodie savoureuse, accentuée par un accord de mandoline. Toujours en boucle soutenue par le crescendo insatiable d’une percussion artificielle. C’est séduisant comme un pastiche de je ne sais quel virtuose à la mode. « Via-Laietana » ajoute une touche planante au morceau précédent. « Paralelo » ironise au synthé sur les réminiscences de flonflons d’instruments dont je tairai le nom. « Vertical » présente les drums retrouvés dans tous leurs états et une basse endiablée. Deux notes tenues s’interpellent sans fin comme les angles d’un klaxon de woogie-boogie. La frénésie des villes modernes vous entraîne dans  cet enfer quadraturé. Et la face s’achève avec « Musique Ridicule », amusante symphonie des jouets new-look, hyperbole pour instruments où sont sollicités sur étai de piano et drums synthé les timbres de hautbois, clavecin et flûte. Devinez en référence à qui.
On redémarre violemment avec « Politico » dans une ambiance de foire d’empoigne où les parti(e(s sonores visent à se convaincre sans toutefois s’écouler. « Automne fait intervenir la voix de Gavin Bryars dans son opéra sur le naufrage du Titanic. La gamme majeure de chaque note est montée puis redescendue. Une fois sur deux elle se voit flanquée d’une octave supérieure ou inférieure.  Musique pour la fin des temps ? « Musique pour ascenseurs » croque la pulsation cardiaque au chœur des grands ensembles et confronte des boucles complexes, plus ou moins accélérées, suscitant un continuum vibratoire. « Erratum musical » est une pièce pour piano (notes répétées) et saxo (notes tenues). Après la fièvre, l’appel  obstiné, pressant le dernier S.O.S, l’ultime son de sax, du corps. « Nicaragua, sur fond de moteur bourdonnant  ressasse l’inévitable cycle des questions laissées en suspens. Enfin « Méditerraneo », palpitant mais paisible.
Le disque est fini. Les boucles sont bouclées. Mais devant l’horizon infini, souvenir, magnifique, du dernier morceau, on est pris d’un sentiment océanique qui vous glisse des envies de revenez-y.
A écouter le disque. En « parallèle » à la première audition.
BTN juillet 80