L’ALBATROS


Introd : Auteur, son recueil les Fleurs du Mal, la section Spleen et Idéal. Anecdotes à propos de ce texte non présent dans 1ère édition de 1857. Ajout 3ème strophe.
4 quatrains en alexandrins établissant une relation entre un oiseau exotique et le sort du poète.
Problématique : Comment passe-t-on d’anecdotes dramatiques concernant cet oiseau à l’affirmation de la condition duelle du Poète ?


Plan :


I) Tout d’abord, il est bien question tout au long du texte, des albatros.


A) Comment sont-ils représentés ?


– Le mot, qui fait pour nous exotique, et dans lequel on reconnaît une étymologie qui renvoie à la blancheur ainsi que l’adjectif atroce, est utilisé dès le vers 2. Tantôt au pluriel (action générale ou habituelle) tantôt au singulier (évocation d’une anecdote ponctuelle, resserrement sur un spécimen prticulier) mais le dernier singulier retrouve une valeur générale.
– Il est relayé par des reprises pronominales au pluriel avec des Présents qui marquent l’habitude, (« qui suivent » au v.3, le pronom atone « les » au vers 5, mais aussi le personnel tonique « ils » au vers 5, avant le passage au singulier, plus précis et en plan rapproché, au v.9 et 10, adjectifs possessifs « leurs », « son » etc. L’albatros est donc le protagoniste de ce texte.
– Mais le procédé le plus utilisé, c’est la périphrase, souvent l’ennoblissant : « prince des nuées» au v.13, « rois de l’azur » au v.5, « vastes oiseaux des mers », v.2, mis en apposition au mot albatros. Cela permet de fournir des précisions sur leur envergure (« vastes » ce qui se dit plutôt pour un espace, hypallage), sur leur univers marin (« des mers »), sur leur blancheur « ailes blanches » au v.7. N’oublions pas qu’il s’agit d’oiseaux peu courants dans nos contrées. Sa placidité aussi qui révèle la souplesse de son vol nonchalant (« indolents compagnons » : nasales).


B) Son double statut


– Mais les allusions ne sont pas toutes positives. En particulier une qui dissone ou détone par rapport aux autres : « l’infirme qui volait ». Elle montre bien en effet la double condition de l’oiseau : royal ou majestueux dans l’air (« qui volait, au passé, c’était le beau de l’air), figé au sol (« infirme ») qui n’est pas son lieu ni milieu naturel.
– A y regarder de plus près, on note de nombreux adjectifs dévalorisants : « maladroits et honteux » qui s’oppose à « rois de l’azur » deux noms, au v.6. « Gauche et veule » est en opposition avec « Ce voyageur ailé » au v.9 et surtout « comique et laid » au vers 10 est en antithèse totale avec « beau » (deux adjectifs monosyllabiques).
– L’idée est que, du fait de sa capture, l’albatros a changé totalement d’aspect, de comportement et de condition : de roi, il est devenu bouffon (il fait rire « pour s’amuser » au v.1). Cette transformation, immédiate (« A peine », allit en en p), est bien soulignée par le chiasme des v.6 et 7 : « Roi de l’azur +, maladroits et honteux -, laissent piteusement -, et leurs grandes ailes blanches » +. Le beau de l’air est devenu laid à terre, un infirme qui ne sait pas marcher v.16. II). On notera la longueur inhabituelle de l’adverbe « piteusement » qui alourdit le vers.


II) Comment en est-on arrivé là ?

A) Les hommes d’équipage
-Il est bien sûr victime, martyr des hommes d’équipage. Il en et question au v.1 et la violence de la capture est soulignée par l’enjambement du v. 1 sur le 2 (effet de surprise). On les retrouve au v.5 quand ils déposent l’albatros (comme un objet, ou comme un roi déchu) et surtout dans le 3ème quatrain où l’on a l’impression qu’ils sont tous contre lui : « L’un », « L’autre » s’opposent à Lui. Ces hommes d’équipage, le plus bas grade de la hiérarchie maritime, sont comme ses bourreaux. La capture rompt le calme que l’on sent dans l’avancée du navire 3333 + allit douces.
– Pour quelle raison : C’est dit dans le texte, « pour s’amuser » car l’homme est ainsi fait qu’il a besoin de divertissement (cf. Pascal). Cela se voit d’une part quand l’un d’entre eux s’ingénie à l’imiter, à le parodier au v.12 : « l’autre mime, en boitant… » (rythme quelque peu boiteux aussi). Mais aussi, on l’impression, par polyphonie imitative de les entendre se moquer (« qu’il est comique et laid ! ») Homophonie de il est et laid. Enfin il évolue « au milieu des huées » v.15 cad qu’on le conspue pour ne pas savoir marcher.
– Au-delà du besoin de rire, on notera de la cruauté, liée au fait que les hommes d’équipage se sentent, pour une fois, supérieurs à celui qui habituellement les domine, puisqu’il voit les « gouffres amers » que ceux-ci ne voient pas. Et qu’il est libre alors qu’eux sont coincés dans le navire qui avance. Ils ne lui pardonnent pas cette supériorité et s’en vengent. D’où les coups de pipe donnés sur son bec et dont les sons imitent le tapotement (GBKKBG chiasme sonore). Le «mot « brûle-gueule » est volontairement vulgaire come le niveau de langue des marins.


B) Mais aussi à cause de ses ailes


– C’est que ses ailes l’ont trahi. Baudelaire insiste bien sur cette caractéristique : « voyageur ailé », « grandes ailes blanches », « ses ailes de géant » et même « vastes oiseaux »… Ces ailes sont à la fois sont trait distinctif et ce qui lui permet sa souveraineté dans le ciel.
– Mais ce sont aussi elles qui le rendent « maladroits et honteux » (physique + moral) au point de l’empêcher de marcher v. 16. Elles sont comparées, au sol à des avirons au v. 8 (comme les galériens) cad à un objet raide, long et encombrant. On sent racler cet aviron grâce aux allit en r. Ce qui dans un contexte se révèle positif peut être un handicap dans un autre. On revient à la question du statut. De la double condition de l’oiseau.
– La chute du poème marque bien la lente dégradation de la condition de l’oiseau, liée à l’ambivalence de ses ailes, tantôt euphoriques, tantôt dysphoriques. Les sons notamment : Allitérations décroissantes : SZ J CH CH. L’assimilation à un géant (hyperbole en apparence positive) s’avère trompeuse : un géant est un monstre pour le commun des mortels.


III) On en arrive au symbole


A) L’albatros = le Poète.


– C’est la dernière strophe qui donne la clé de ce poème. Le Poète se sent dans la même situation que l’albatros. Il se compare d’ailleurs à lui « est semblable ». On notera que le vers n’a pas de césure à l’hémistiche pour que les deux êtres puissent n’en faire qu’un (Le Poète et le Prince des nuées ». Du coup, la strophe peut s’interpréter de deux manières. On continue à y parler de l’albatros, mais en même temps, symboliquement, on y parle du poète.
– Ainsi le vers 13 peut-il s’interpréter de deux façons : l’albatros ne craint pas les colères du ciel et il vole trop haut pour qu’une flèche puisse l’atteindre (Rappel Coleridge, La romance du vieux marin.) mais en même temps, le Poète ne craint pas les dangers de la Création et il ne fait pas attention aux moqueries et critiques ou insultes qu’on lui décoche.
– Mais surtout, comme l’albatros, le Poète est un « exilé », anacoluthe des deux derniers vers, le participe exilé ayant du mal à se rapporter à un autre (« ses ailes » est au pluriel), ce qui maintient le double sens. Il n’est pas à l’aise dans la réalité et ne se sent souverain que dans L’idéal de la Création poétique (cf. Élévation).

B) L’aspect symbolique
– Les ailes symbolisent le génie qui lui permet de s’élever au-dessus de la simple humanité. Il s’en veut pourtant le « compagnon » et ne cherche qu’à l’accompagner en toute lucidité.
– le navire c’est le monde, les marins, la foule, les hommes en général qui ne comprennent pas le génie des poètes, notamment leur capacité à voir ce qu’eux ne voient pas (« les gouffres amers ».). Le ciel c’est l’Idéal. La mer l’immensité qui le reflète.
– Les planches : connotation théâtrale. On lui fait jouer un rôle pour lequel il n’est pas fait.


Conclusion : Vérifier qu’on a bien répondu à la Q posée
Élargir au sein des Fleurs du mal ou de Spleen et idéal
Dire si on a été touché, si l’on a bien compris ce qu’a suggéré Baudelaire