PARFUM EXOTIQUE


Introd : Auteur et recueil Fleurs du mal, section Spleen et Idéal
Cycle consacrée à la Femme, notamment à sa maîtresse, Jeanne Duval.
Sonnet en alexandrins illustrant sa conception des correspondances entre le monde sensoriel et le monde spirituel.
Problématique : Ex : En quoi ce parfum exotique favorise-t-il un essor sensoriel vers une rêverie de type paradisiaque ?
Plan


I) Tout part effectivement d’un parfum exotique


A) Parfum


– Il est bien dans le texte question de « parfum » au vers 12. On note alors un nombre important et croissant d’allitérations nasales (« m’enfle la Narine… ») : vocaliques (voyelles) an, un. Et consonantiques (m, n) dans le dernier tercet, après l’usage de ce mot.
– Le mot « odeur » est aussi utilisé deux fois, pour introduire les quatrains (v.2), puis pour introduire les tercets (v.9), toujours placé à l’hémistiche. On a donc ce paradoxe que l’on trouve deux fois plus d’occurrences, d’allusions à l’olfactif dans les tercets que dans les quatrains, ce qui prouve que le parfum est de plus en plus présent, prégnant et qu’il monte à la tête (« se mêle dans mon âme »).
– Les quatrains sont associés à une île, les tercets à un port (plus petit d’où les tercets + effet de zoom, plus précis. Le port est sur l’ile.). Amplification remarquable du rythme au fur et à mesure que l’île et le port apparaissent (1,5,6,12, 24…) avant stabilisation (12,12). Puis reprise (12, 24, 12,12,12). Le poète. n’est plus dans la réalité mais dans son monde imaginaire. Dans sa rêverie.


B) Exotique : Allusions très nettes


– Allusion surtout aux « verts tamariniers» v.12, aux « arbres singuliers » « fruits savoureux (allit). Tout cela, développant l’hyperonyme (champ lexical) de la nature : généreuse (la Nature/donne : enjambement justifié v.5-6). Gradation.
– Thème également de l’île au v.5, associée au voyage à l’étranger de même que le port v.10). Ile mise en relief par l’absence de verbe (ellipse). Dite « paresseuse » alors que nos contrées sont vouées au travail. Ce n’est pas elle mais ceux qui y vivent, donc métonymie (ou hypallage). Le port aussi est au repos puisque « rempli de voiles et de mâts » (métonymie) donc lui aussi « paresseux ».
– Présence insistante du soleil, souvent absent de Paris, ici indiqué comme « monotone » (v.’4) cad toujours fidèle à lui-même, omniprésent. Le pays lui-même fait partie des « charmants climats » v.9. (Assonances en a + nasales). Inversion syntaxique pour montrer le caractère étonnant de cette monotonie (un seul ton).


II) Ce parfum a des effets étonnants


A) Il suscite des associations sensorielles nommées synesthésies ou correspondances.
– Le parfum donne naissance à la vision (de l’olfactif à la vue). C’est très net dans les 3 premiers vers, notamment au début : « Quand » (v1), « je respire » (v.2), « je vois » (v. 3 simultanéité au Pst d’habitude + conjonctions de subordination : tandis que ;.. ). Mais aussi au début des tercets : « Guidé par ton odeur » (v.9), « je vois » (v10). Correspondance horizontale entre deux sens.
– Mais à y regarder de plus près les autres sens sont aussi présents : le goût (« savoureux »), le toucher (chaleur v.2, caresse du vent sur « la vague marine » v.11), et l’ouïe bien sûr dans la pointe du sonnet (« au chant des mariniers »).
– Correspondance verticale avec l’allusion à « mon âme » du vers 14. Tout se mêle dans l’âme : parfum, sons. Le Poète éprouve un sentiment de plénitude sensorielle voire d’ivresse, de contentement des sens.


B) Conditions nécessaires à la réalisation de l’expérience :


– Il faut la femme comme intercesseur. C’est la personne tutoyée dès le vers 2. Ce tutoiement suppose la familiarité voire l’intimité (nudité supposée des corps). De plus, Jeanne était mulâtresse. Donc originaire d’un pays exotique.
– Il faut des moments rares qui sont liés à la transition aux vers 1 et 2 (« un soir » intermédiaire entre jour et nuit, repos), l’« automne » transition entre été et hiver, donc nostalgique). Et puis « les deux yeux fermés » qui soulignent la coupure avec la réalité.
– Enfin la chaleur, qui conduit à la nudité supposée (« chaud », « sein chaleureux », v. 2, double sens) donc à l’érotisme (paronomase avec exotique).


III) Tout cela relève d’une intention symbolique/Symboliste…


A) Un monde idéal


– On a l’impression que Baudelaire évoque le paradis : nature abondante, présence humaine aussi (port rempli) impression de bonheur (« rivages heureux » avec liquides et enjambement pour montrer absence d’écueil ou d’hostilité, continuité ou linéarité… » se dérouler » v.3 que l’on retrouve quand le parfum « circule dans l’air »). Vocabulaire euphorique : charmants… de calme retrouvé (les voiles et les mâts par métonymie). De nonchalance (île paresseuse, fatigué par la vague marine…), de lumière (« éblouissent les feux »).
– Triomphe de la Beauté non conçue comme scandaleuse : innocence féminine (inversion syntaxique et métonymie, du vers 8), corps des hommes exhibé sans péché (v.7), Penser à des tableaux de Gauguin (mais ultérieurs).
– Impression d’équilibre entre la Nature (2 vers) et l’Humain (2 vers) et d’harmonie entre l’homme (1 vers) et la Femme (1 vers).


B) Interprétation
– Sans doute l’allusion au sein n’est pas innocente ; Elle entraîne par association d’idées ou d’images celle de l’île. Le sein est une île sur le corps comme l’île un sein sur la mer (peut-être aussi rapport à la fusion enfantine avec la mère).
– L’allusion à la « vague marine » rappelle que le Poète est une sorte d’explorateur ou de voyageur de l’imaginaire par l’écriture mais saisi à ce moment-là dans un état d’abandon, de repos, la mer signifiant les épreuves à affronter, de jour comme de nuit.
– Enfin il faut voir dans cette vision exotique l’incarnation de ce que Baudelaire appelle souvent Idéal (cf. Spleen et Idéal) ou Ailleurs, qui n’existe pas en ce monde mais auquel on peut toujours rêver.


Conclusion : Vérifier que l’on a bien répondu à la question posée en récapitulant.
Souligner le rôle de la Femme pour quitter momentanément le spleen et accéder à l’Idéal