Curieusement, Michel Carrouges travaillait aux éditions du Cerf, maison d’édition des dominicains. Il s’est reconverti pendant la guerre au catholicisme, après avoir été lié au surréalisme et à Bataille. Michel Butor l’a rencontré par l’intermédiaire de Marie Madeleine Davie et des réunions au château de la Fortelle, relatées au début du portrait de l’artiste en jeune singe. C’est cet aspect religieux qui l’a brouillé avec le surréalisme même si Breton l’aimait beaucoup. C’est la fameuse affaire Carrouges.

Quand Butor l’a rencontré il venait publier Le Mythe du Surhomme. C’est Carrouges qui a permis à Butor d’écrire et de publier ses premiers articles sur les contes de fée ou sur Joyce, ce qui montrait l’ouverture d’esprit de cet homme qui s’était manifesté avant guerre dans les marges du surréalisme. Le texte sur Joyce paraît d’ailleurs dans la revue des dominicains, le vie intellectuelle; celui sur Verne par la librairie Arts et Lettres; ensuite Carrouges ayant dirigé dans les frontons sur les contes de fée et sur la science fiction dans les cahiers du sud. Ces 4 essais ont été donc publiés par Carrouges (l’idée pour les deux derniers était peut-être de Butor). C’est donc dire le rôle qu’a joué la relation avec cet auteur qui lui a fait rencontrer Georges Lambrichs et les Editions de Minuit. Passage de milan se ressent sûrement de l’observation du groupe permise par Michel Carrouges ainsi que des idées sur la science fiction par exemple. Le personnage de Samuel Léonard en particulier est à mettre en relation avec le surréalisme, de Vinci fascinant les peintres et leurs frottages, décalcomanies etc. (Il est dans le portrait du groupe exécuté par Max Ernst, au rendez-vous des amis.).

Butor insiste sur le fait qu’au-delà de tout ce que lui a appris par ses ouvrages Carrouges, celui-ci lui a prêté beaucoup de livres. L’alchimie, l’occultisme, l’ont fasciné comme Breton à la même époque. C’est encore un docteur (H, hongrois rencontré au château) qui évoluait dans l’entourage du surréalisme qui a mis à sa disposition un bon nombre de livres alchimistes et c’est grâce à lui qu’il a pu aller au château de Harsbourd, séjour raconté dans PAJS. Butor insiste aussi sur un livre trouvé chez sa grand-mère à la campagne, le livre des figures de Nicolas Flamel avec des gravures sur bois. N’oublions pas son essai sur l’Alchimie et son langage dans Critique, dirigé alors par Georges Bataille.

René Alleau avait alors publié un livre qui lui a inspiré l’article des Répertoire. Récemment Butor a donné une conférence à Lyon sur Poésie et Science. Il a essayé de montrer que l’occultisme et la pensée médiévales, refoulés par la science actuelle, n’étaient qu’un effort d’organisation générale des métaphores selon des grilles de correspondances. L’effort de systématisation des déplacements produit une théorie et une interprétation du monde par des grilles. Ici l’oeuvre de Bachelard serait un précieux recours. Dans L’emploi du Temps, on trouve beaucoup de descriptions dans les cathédrales. Il emprunte sûrement à Fulcanelli et joue avec les évocations des images. La flânerie, la déambulation, la poésie de la ville et de la rencontre renvoient sans doute aux textes autobiographiques de Breton.

Sur les rêves : Le rêve : refait, construit au lieu d’authentique. 5 volumes et 5 rêves. Chacun d’eux contient des citations des quatre autres. Mais au fur et à mesure que la série se développe, les citations font référence aux précédents. Le récit principal est divisé en 5 parties. Les citations entre autres vont intervenir dans les interstices des 5 parties. Se complique du fait que la première partie est en un morceau, la seconde en deux, la troisième en trois etc. Cela permet des fissures où se faufilent les citations. De plus, l’organisation varie selon les volumes. Si dans le premier rêve propose une partie d’un morceau qui entraîne le lecteur, le cinquième est beaucoup plus « brouillé », coupé en morceaux. Le 3ème joue le rôle de pivot. Le fait même de rappeler les rêves antérieurs, des volumes précédents, oblige à un réaménagement permanent. Butor utilise des éléments de citations littéraires (romans français, puis contes romantiques allemands, puis romans anglais, Votre Faust et enfin les rêves des autres et le sien); des constellations des nations comme pour engendrer une cosmogonie. Cela vient donc des grilles de l’imagination occultiste. Les groupes sont recensés, connus. L’imagination est dirigée vers certaines régions.

On reconnaît un élément du groupe (muses, apôtres, départements) ce qui oblige attendre les autres. Il est extrèmement difficile de raconter nos rêves qui nous échappent au moment où nous le racontons; donc nécessité de trouver un biais. Toutes les religions ont à l’origine des visions en rapport avec le rêve. Certains rêves se détachent des autres mais le rêve habituel est difficile à raconter. Butor est parti du fait qu’ils sont récurrents, des variations sur un thème (conférence, déménagement, métamorphose…). Il a voulu les raconter à la fois. Que le rêve s’échappe pour que les gens corrigent son rêve par le leur. Tous ces ensembles accrochent quelque chose qui va forcément faire rêver le lecteur, le faire entrer dans le rêve? Voir Sade dans sa préface des 120 journées prévient que parmi toutes les horreurs qu’il raconte un passage finira bien par nous exciter. Il s’agit d’abord d’inciter le lecteur à rencontrer son rêve. dans une recontre de mots et de rêves, il rencontre un de ces rêves à lui. Il s’agit aussi de donner du fil à retordre aux psychanalystes puisque ces récits de rêve ne peuvent être interprétés de façon usuelle. Il s’agit enfin d’étudier les faces inconscientes du langage et de la culture. Il a soin toutefois d’éviter les généralisations et les conclusions hâtives. D’ailleurs ces textes s’adressent à des lecteurs français, d’abord. Ce sont des récits de rêves edt chaque récit l’l’est de rêve au pluriel. La notion de récit est essentiel. Ces rêves racontés ont nourris de rêves rêvés mais le travail sur le langage est fondamental. Le rêve est prophétique. Il est le lieu de l’invention. Il répond à ce qui ne va pas dans la vie. on essaie des solutions imaginaires, du plus profond du sommeil. Le corps est en paix. On joue alors eux dés et ce qui s’essaie en nous peut nous importer. Nos désirs ou hantises s’y révèlent. C’est aussi très nuancé. La psychanalyse a simplifié à l’extrême l’interprétation des rêves (d’où l’ironie de la dédicace ouverte aussi à d’autres interprétations). Si tout récit réinvente la réalité et la rêve, le récit du rêve serait la quintessence et l’origine du récit. D’où la passage des romans aux récits de rêves. Les visions religieuses sont des récits premiers.

On peut le dire aussi à l’origine de la poésie puisqu’elle est faite d’images. Si le texte religieux est également à l’origine de la poésie comme réponse à des questions posées par la réalité comme le rêve (à partir d’Homère). Elle est réponse au malaise de la religion. Le I et le V se répondent (rêves de Butor; rêves d’auteurs dont Butor). Pourquoi 2 volumes consacrés aux peintres et pourquoi à la suite : donc « work in progress ». Le récit de rêve a été moyen de parler de peinture sans s’enfermer dans une systématisation infinie. Dans le II on se promène dans les tableaux; dans le III il y a des passages où le langage se met à mousser. Ce n’est pas, à quelques passages près, du même type. Matière de Rêve III, a été le livre le plus diffficile (cf : entretien; celui où M.B. a eu l’impression de jouer avec le feu). Les rêves sont ausi des illustrations d’images absentes. La narration en plus; une narration qui bifurque. La décision de leur consacrer une série ne s’est pas faite d’un coup. Parti de l’idée d »une série de livres qui auraient fonctionné par groupes de cinq : sur les foules, les dialogues, les rêves. Seuls ces derniers ont été réalisés. Le premier publié, il s’est agi de des textes sur des peintres. A partir du deuxième, il fallait jusqu’au bout, boucler une série. Rêves dans les textes antérieurs (romans notamment) en tant qu’excroissance ou développement particulier d’un type de récit omniprésent dans l’oeuvre butorienne. Le rêve en tant qu’il représente un tiers mine de rien de l’activité de l’homme (voir Manifestes). Pensée bretonienne s’il en fût.

Le traitement surréaliste du rêve est considéré comme un document autobiographique. Leiris note et date tous les matins ses rêves. Ils sont donc authentiques et transcrits. Breton essaie de les élucider. Dans les romans ce sont les rêves des personnages à un point de leur aventure. Dans Matière de rêve on peut les considérer comme des pièges pour accaparer les rêves des autres. Pour Mille et un plis, Sorel et Huysmans, Baudelaire et Nerval s’imposaient mais les récits de rêve surréalistes sont absents, trop courts et n’ayant pas la portée onirique que les précédents. D’où l’obligation de recourir à ses propres récits. On peut noter une différence viscérale. L’intérêt pour le rêve provient du surréalisme (rencontré dans les revues chez les bouquinistes pendant la guerre, en pleine adolecence). Importance de l’étirement démesuré en longueur. Non donné comme document au réveil. C’est travaillé (ici c’est le travail du rêveur sur son rêve). Reposent sur des expériences oniriques.

Mais PAJS les rêves sont reconstitués à partir de l’histoire des mille et une nuits du second calender, le récit diurne étant au contraire autobiographique. Chez Freud le rêve est intéressant en tant que symptôme médical tandis que pour Breton il est une véritable activité. Poétique. Pour Butor : mentale, imaginative et intellectuelle. Voir La littérature et la nuit. Pour Butor le rêve réalise aussi les hantises, les craintes. Pas le désir d’être malheureux mais de se faire plaindre. D’où le thème de l’agressivité, du trac, de la peur (qui elle aussi veut s’exprimer). revoir la manufacture pour justification du rêve comme mode de récit contemporain (inventif). Accession au point suprême, désir fou, à quoi convient bien à cette folie raisonnable. La poésie : 2 allées. L’une directe l’autre où on assiste à des sortes de combinaison de mots. Donc dans un cas une anecdote à partir de laquelle je divague sous forme de mini récit. Même chose à partir de la deuxième allée, avec utilisation de grille.

7 axes pourraient faire l’objet de notre étude : -Ce qu’il en révèle dans ces textes d’entretien (étude analytique)

-Les études de Butor touchant de près au surréalisme. -Sa collaboration avec des peintres du mouvement

-Les aspects surréalistes de ses romans.(modernité urbaine, références alchimistes, -rencontre et hasard objectif, mythologie).

-Les récits de rêve

-Les études et récits de voyage (collage, rapport à la recherche du point suprême, références à Breton à travers les Zunis ou les aborigènes).

-L’oeuvre poétique. Poésie et religion ou la guerre des dieux; et musique ou Charmes c’est-à-dire chants, et science ou de la nature des choses, et économie ou je découvre l’or du temps, et politique ou je cherche la formule et la clé.

Au départ, influencé par un cours d’anglais de seconde à Louis le grand (troisième chez les jésuites à Evreux). On nous avait fait lire Shelley, l’ode au vent d’ouest. Butor a écrit des odes sur toutes sortes de sujets en vers libres. Puis découverte des revues surréalistes durant l’occupation et fascination pour la peinture en particulier. Les premiers poèmes se déroulent comme des textes surréalistes mais avec une insistance sur le terre à terre, la vie quotidienne. Proches de l’écriture automatique mais avec unee ffort de conscience. Plutôt semi automatique d’ailleurs plus pratiquée. Un je émergeait, solitaire, errant retrouvés dans les textes ultérieurs. Le hasard objectif : Mort de l’héroïne de PDM.

Les événements s’organisent en quelque chose d’énigmatique et ce fascinant. Les éléments de la réalité chez Breton s’organisent comme dans un rêve. Revel, rêve et réel. Vagabondage en rapport avec les errances bretoniennes. Un hasard que tout nécessitait dans la vie des personnages. Passion pour le Théâtre et son double. L’expérience de la cruauté des choses, au sortir de la guerre. Projet d’un dialogue avec artaud sur Van Gogh. Dans Transit, scénario d’un spectacle sur la conquête du Mexique. La distribution des filles de Loth, peinture métaphysique, dans le vitrail de Caîn, inspiré par le Théâtre et son double. Un cours non paru (Paule Thévenin). Leiris : L’âge d’homme. Passion ethnographique chez les trois. Plus Bataille et Michaux. Le côté encyclopédiste de Queneau. Utilisation de l’érudition. Ponge et sa rhétorique. Eluard : une certaine liquidité à l’époque estudiantine. Importance du regard d’où intérêt pour la peinture. Vu avant que d’avoir lu. La peinture est organisé en surface, artisanale, interrogation de la matière, utilisation du hasard… Moins sectaires aussi. Période étudiante : poème sur Ernst à partir de tableaux; Préfaces sur catalogue puis collaboration avec les peintres. Voir Répertoire et la peinture… Peu d’humour chez Breton sauf chez les autres (humour noir).

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