POEME A DESSEIN
Un carnet à spirales
Et c’est un monde qui se crée
Un monde secret
Un monde à portée de main
Obéit aux doigts de la main
Et à l’œil de la plume
Un cahier à dessins
Et c’est un rêve d’espace
Autant dire un microcosme
Une cosmogonie portative
Une cosmogonie ambulante
Autant dire une écriture
Un livret à desseins
Un monde grouillant
Un rêve à plus haut sens
Quelque chose du poèm
Inédit
MICHEL CADIERE
Il est des artistes pour qui déplacer une œuvre d’un lieu à un autre est toute une affaire. Rien de tel chez Michel Cadière, qui peut très bien transporter l’essentiel de sa production de toute une année dans son cahier à spirales. Ainsi, un objet qui pour d’autres serait un moyen de décliner des esquisses et exercices ou brouillons, devient pour lui un support de prédilection, transportable en tous lieux, manipulable au gré de ses disponibilités et humeurs. Mais qui prend la peine d’ouvrir ce simple cahier, à l’instar des Silènes de Rabelais, va se rendre compte à quel point le contenu est davantage qu’un cahier de brouillon, une petite galerie portative, interprétable à plus haut sens, différant distinctement de ce que promettait l’enseigne extérieure. Il faut en effet prendre cette dernière, le carnet donc, comme une contrainte, une exigence métrique à partir de laquelle Michel Cadière va, à ses heures perdues et par là même directement retrouvées, laisser libre cours à une imagination graphique débordante, composée d’un monde grouillant dans des espaces improbables mais qui n’en désigne pas moins une cosmogonie singulière, une mythologie personnelle, ce que Roland Barthes définit par un style. La main court comme une écriture sur une feuille de dessin, toujours de même format, le crayon ou le porteplume au doigt et à l’œil, dans un souci quasi-démiurgique de féconder un monde, un microcosme inédit, à mille lieues des images tonitruantes sublimées dans le réel. Le noir et blanc échappe à tout clinquant. On est plutôt transporté dans des époques antérieures et intérieures, dont le sens global nous échappe mais dont on voit bien que chaque détail y fait signe. A un espace saturé, foisonnant comme une nuit peuplé de rêves qui s’entrechoquent et se chevauchent, tout comme dans notre inconscient chaque être, chaque chose, et même chaque idée et impression, deviennent compossibles. C’est cette compossibilité spatiale que Cadière réussit à consigner sur le plan de sa feuille, dans un déploiement généreux de symboles, avec la profusion d’un Michel Ange qui se conjuguerait à l’imagination débridée d’un Jérôme Bosch, aux codes rigoureux d’un Breughel, à la facture naïve des représentations médiévales. On est dans un ésotérisme jovial, dans un intimisme vital, dans une alchimie désirante et ludique. Enfer ou ciel qu’importe, on sent qu’entrer dans un dessin de Michel Cadière, ne saurait laisser quiconque indifférent, spécialiste ou profane. Et qu’en goûter la substantifique moelle instille à jamais en vous un venin dont on ne sort jamais tout à fait indemne. Le désir de savoir, sans doute, et de son envers : de voir ça. BTN