APPARITION pour ANDRE CERVERA
APPARITION
I
Il m’est apparu par un beau matin
Comme un frère que l’on retrouve
Comme une image au bout de mes doigts
Comme un astre se réveille
D’un long sommeil sous la terre
II
Il m’est apparu et j’ai battu des mains
Et j’ai vite pris mes pinceaux
Saisi sur le champ ce rêve d’un instant
Et j’ai compris qu’il partageait ma joie
Et sûrement aussi mes futures peines
III
Et le désir de jouer m’a repris
D’improviser d’anciennes chamailles
D’incarner cette commune présence
Ce corps à qui ne manquait que la vie
En lui restituant ses chaleureux élans
IV
Comme nous nous sommes bien battus
Et ce n’était pas seulement pour rire
Et nous avons ri toute la journée
Et le soleil t’a renvoyé dans tes limbes
Il me fallait fixer nos vertiges mouvants
V
Or j’avais eu le temps de te présenter
La déesse qui conserve avec piété
En son antre des fruits de saveur rare
Que tu as tenté de chiper dont un en forme
De banane et vous vous êtes bien engueulés
VI
J’ai reconnu ta voix grave aux accents
De pêche en grande mer là où les tsars dinent
A l’huile près de la rue Rue Méditerranée
Cette voix que l’on ne perd jamais
Et qui survit à l’outre-tombe
VII
Il n’empêche on devait aller vite
On a si peu de temps pour l’éphémère
Les mimiques d’ironie sur ton visage
Ta mince silhouette si sûre de soi
Et les gestes familiers que je garde secrets
VIII
Je t’ai fixé dans ton hybride état
Entre le monde d’où tu viens
Au fin fond de ma mémoire
Et celui où je vis comme en transit
Car on sait nous autres les limbes
IX
Ce qu’on nomme réalité tu me connais
Et moi ça ne peut faire que deux
Le monde est ma représentation
Ainsi des êtres à qui je prodigue la vie
Viennent-ils visiter mon espace
X
Peindre c’est comme entrer en transe
Et faire renaître ces créatures
A qui ne manque qu’un corps
Que je rétablis à partir du mien
Tel le démiurge recrée son monde
XI
Car rien ne m’assurait que le lendemain
Tu m’honorerais d’un rendez-vous pérenne
Chaque jour contient en germe chaque vie
S’y révèlent au matin les merveilles
De l’univers que l’on quitte à la fin
XII
Et nous avons parlé de tes projets
Car tu te sentais dans ton assiette
Tu souhaitais que l’on fît de tes poèmes
Des recueils soignés Et qui surprennent
Ceux qui sont nés dix ans plus tard
XIII
Ainsi je te régénère dès lors que tu me manques
J’imagine nos joutes longues et précieuses
Moi qui suis fait du feu des terres de l’Afrique
Dont la danse me met en branle Et toi
Qui te sustentes de menues gouttes d’eau
XIV
Au fur de ces images que tu m’inspires
J’introduis les voyages que tu n’as point faits
Où ta pensée m’a suivi peut-être précédé
Dans les pavillons rouges du rêve chinois
Ou face aux dix bras de l’inde divine
XV
Et aussi que je n’ai pas encor effectués
Dans les temples du Siam dont les singes sont rois
Ou le long des bords du Nil narguant les crocodiles
Défiant les cartels au cœur du Mexico ancien
Ou souillant de vodka le terrible moscovite
XVI
Cette pagaille que tu aurais mise à New York
Arrachant quelques poils à ce « cong » de King Kong
Puis sautant dans un taxi jaune direction
Broadway pour y faire ton show Cervera ans Cie
Avant de tout démolir au Moma y’a de quoi
XVII
Sais-tu qu’un lieu d’art porte à présent ton nom
Que tu t’es inventé pour ne point faire d’ombre
Mais qui t’a doté d’un éternel gros plan
Toi qui adorais écrire avec les mots de mer
Car s’il fut un sétois c’est sûr eh bien c’est toi
XVIII
Les sétois faut se lever bonne heure
Pour les dénicher à présent Entre les hordes de touristes
Qui terrassent l’odeur des pêcheurs
Et ces nouveaux venus rêvant d’être enterrés
Au Cimetière poètes sauf le talent ça va de soi
XIX
Cela t’aurait sans doute mis en rogne
Et inspiré l’un de ces textes de ton cru
Comme on dit de derrière les fagots
Où les pillards en eussent pris pour leur grade
Surtout ayant subi la hausse des loyers
XX
D’un autre côté tu aurais apprécié
Que l’on parle de Sète en leur fière capitale
Et au-delà aux quatre coins du monde
Car parler de Sète la ville des artistes
C’est parler de toi c’est parler de nous
XXI
Moi j’ai créé pour toi des limbes terrestres
Où ta visite serait attendue et non obligée
Car tu n’es pas de ceux à qui l’on en impose
Et moins encor cette terrible loi du silence
Signes sur un papier qui sera co-signé
Ce texte devrait prochainement faire l’objet d’une publication
Une version courte doit être publiée par Le livre Pauvre de Daniel Leuwers. La même traduite par Patricio Sanchez pour une revue chilienne.
APPARITION 2
Il m’est apparu par un beau matin
Comme un frère que l’on retrouve
Comme une image au bout de mes doigts
Comme un astre se réveille
D’un long sommeil sous la terre
Et le désir de jouer m’a repris
D’improviser de vieilles chamailles
D’incarner cette commune présence
D’animer ce corps auquel ne manquait que la vie
Et lui restituer ses chaleureux élans
Que nous nous sommes bien battus
Et ce n’était pas seulement pour rire
Et nous avons ri toute la journée
Et le soleil t’a renvoyé dans tes limbes
Il me fallait fixer nos vertiges en mouvements
Car rien ne m’assurait que le lendemain
Tu m’honorerais d’un rendez-vous
Chaque jour contient en germe chaque vie
S’ y révèlent au jour les merveilles du monde
Sauf qu’il nous faut les quitter à la fin
Ainsi je te recrée dès lors que tu me manques
J’imagine nos longs et précieux combats
Moi qui suis fait du feu des terres de l’Afrique
Dont la danse me met en branle et en transe
Et toi qui te contente de menues gouttes d’eau
Au fur de ces images que tu m’inspires
J’introduis tous les voyages que tu n’as pas faits
Où ta pensée m’a suivi peut-être précédé
Dans les pavillons rouges du rêve chinois
Ou face aux dix bras de l’inde divine
Et j’ai créé pour toi des limbes terrestres
Où ta visite serait attendue non point obligée
Car tu n’es pas de ceux à qui l’on en impose
Et moins encor la terrible loi du silence
Signes sur un papier qui sera co-signé