Le paysage est un long ruban paille que jonchent les spectres de jonquilles et genêts
L’horizon déroule un épais galon d’éther vif où se profilent des embryons incertains de nuages
Un pré d’herbe folle s’échappe de la vitre embuée qu’un enfant contresigne du doigt
Les ardoises virent au plomb quand couvent du toit les colères sourdes et célestes
L’air est gorgé de crépuscule et d’agrume sanguin où fument le sang et le feu des étés torrides
L’espace est fait de terre et de pierre et de fleurs écrasés dont on tire les pigments drus
Déjà s’abat sur l’orée du rêve un long manteau de paix nocturne en voie d’avènement
Le paysage est une écriture à portée de couleurs en train de se délier
Et qui compte et recompte ses lignes comme on conte les drames du ressac marin
Le paysage est une peinture vite comme on le dit des nues descendant l’escalier
Et qui cognent au bord de la fenêtre
Un court poème pour Paola Di Prima. Paru octobre 2010. aux Eds Rivières. Les tableaux ci-dessous montrent assez ce qui a pu l’inspirer.
CELESTES
Sans les lignes qui sillonnent le firmament nous plongerions dans le plus sinistre des chaos
Gloire à qui, observant le cheminement des étoiles, a su jeter les bases de la prime géométrie
La distance d’une planète à l’autre dépend de ce que j’écris
Si la nature a horreur du vide j’ai moi-même le vide en horreur – sauf quand il fait le plein
J’ai toujours rêvé de glisser l’épaisseur des mots sur le plan général du dessein céleste
Si le ciel était poème les lignes qu’on y trace devraient tout aussi bien se faire écriture
L’imaginaire c’est quand deux lignes se croisent alors que c’est matériellement impossible
Texte tiré à 2 ex, accompagnés de dessins de Paola di Prima