FENETRES en TRIPTYQUE
PROUST
Dès mon arrivée en la chambre à l’hôtel
J’oubliais un temps mes angoisses du départ
Afin d’ouvrir les rideaux de soie et m’offrir une séance
A contempler le fabuleux crépuscule
Dont la chrysalide me préparait à un rêve d’or
Tandis que s’animaient les lumières marines
Spectaculaire décor à ce bouquet de jeunes beautés
Qui parachevait la ligne flottante de sa haie légère
Calmes statues exposées sur un rivage de Grèce
Offertes à mon plaisir sans la ferronnerie du balcon
Et dont avide j’espérais la prochaine cueillette
MATISSE
Un peintre à sa fenêtre doit aussi fermer les yeux
Et dès lors disposer à son gré des couleurs et des choses
Derrière le tapis aux motifs chaudement serrés
Les rutilants rideaux ornés d’aviaires arabesques
Au-delà des vases fleuris de jasmin étoilé et de l’ombre
Sauvage d’un palmier où reposent des poissons rouges
J’imagine l’entrée messianique en la Casbah sur le dos
D’un grison tandis que d’une mer de terrasses torrides
Se détache la pointe du minaret mais peut-être
S’agit-il de Biskra en tout cas pas de Cordoue ni Séville
Et pourtant les rouvrant c’est bien le même pichet d’argile
KEROUAC
Aussitôt que la tempête atlantique se fut rassise
Je négligeais jusqu’à l’idée de danger à Tanger
Le rayon lumineux d’un phare tournant noyait
Ma terrasse où s’était posé mon sac d’éternel vagabond
J’y conservais des souvenirs de flûtes et tambours
Les odeurs de palmiers mouillés et la poudre bleue des villages
Tranquilles accrochés aux collines berbères
Mais la houle se levait déjà vers le mont dit Abyle
Les colonnes d’Hercule reflétaient le chant des sirènes
Et je rêvais incontinent dès la Phocée moderne
Aux illuminations en la ville-lumière enfin
Poème sur trois photographies de Jean-Pierre Loubat, édité par ses soins et manuscrits.