QUAND LA CHAIR EST VAINE
C’est en creusant la terre que se révèle la vacuité des vanités humaines. Sous la rude peau des fleurs chamarrées les regards en creux scrutent la rugosité du néant. Même les eaux mortes dévoilent les lourds secrets des tempêtes perdues. Et sous les doigts monstrueux des éruptions solaires le monde est un champ de bataille dont les légions de morts auront toujours le dernier mot.
Creuser la terre et discerner le sourire qui crâne sous la chair des mots crus.
C’est en creusant les mots que se délivre l’intemporel et ses infinis avatars de silence. Sous l’écorce vive du poème brut nulle essence ne saurait enivrer les narines évanouies. Même les feux du ciel au fil d’une eau vibrante ne réveilleront plus les ultimes replis des anciennes pensées. Et sous les doigts fouisseurs du poète le monde est une absence où triomphe le dernier cri que l’on dit insigne.
Creuser les mots et dire la dérision qui ricane dans la terreur des chairs atterrées
C’est en creusant la chair que se découvre la rigueur de l’innommable, qui perdure au-delà du reste quand il n’est plus âme qui soit. Sous les baisers avides de la terre gloutonne il n’est point de mots doux à proférer, de musique céleste à ouïr. Même les vents ardents des déserts de sel savent les saveurs de l’éphémère. Et sous les doigts savants du peintre élémentaire la mort sera vaincue par la mort même, afin que le tableau survive, tel un vol de corbeaux juste au-dessus du champ.
Creuser la chair et faire que les morts lèvent la tête et fixent du fin de leur éternité.
Poème écrit à la demande de Fabrice Rebeyrolle. Publié fin juillet 2010 aux Editions Mains Soleil accompagné d’une peinture de Fabrice Rebeyrolle et d’une partie manuscrite.