Au début il faut déjà du dernier jour serrer le point
Lors de l’ère de l’or on a les traits fins
On écrit en soignant les pleins et déliés
On griffonne à bout de champ et pas purement en marge
Le papier même se troue dont on a gommé l’esquisse
La voix est fine comme une flûte
On se croit plus léger qu’une plume
La sacro-sainte ligne impose le respect
Dès qu’on atteint l’ère d’argent la figure s’aggrave
Les traces acquièrent de l’épaisseur
Nos rêves ont la subtilité des aquarelles gorgées
On s’essaie à toutes les alchimies
Il arrive que l’on détone avec souplesse
On est mince on se sent fort on en est fier
On joue les géants face au paysage
Une fois atteinte l’ère du bronze
Les amarres sont bien larguées
Il faut se battre sur tous les fronts
L’univers est fait pour aboutir à un mot d’ordre
Les pensées mènent la main au pinceau
On sait rugir les convictions du jour
L’idéal de l’univers éclaire les regards
Et puis c’est l’ère de ce fer
La rigueur est de rigueur et la maturité
Soudain le poignet découvre une forme
Le champ de blé en est vite comblé
Et miracle et retour de l’éternel nié
Voilà qu’un visage refait surface
Le corps n’a plus qu’à suivre la voie
Alors de tous ses membres on s’ébat
On devient maître en danses savantes
La chair se fait joyeuse à mesure qu’elle s’ouvre
On découpe un plaisir cosmique à son image
Et quelques jambes galbées s’envolent du tableau
Pour rejoindre le corps du monde
Et lui imposer à jamais notre Idée
A la fin souverain on espère toujours en la suite
Pour les Éditions du Bourdaric, avec des illustrations et portraits d’Alain Clément.