La coupe des fruits tranche dans le vif des astres étincelants

Cerner le fruit afin de mieux savourer la pulpe d’un œil s’il s’y jette

C’est dans l’attente et la patience que se lovent et délient les degrés du temps

La terre est un citron qui incite aux voyages – les superbes voyages – sur place ou dans son au-delà

Le fruit rayonne en son zénith de chair à l’instar d’une onde lumineuse

Le fruit se redresse et s’anoblit dès lors qu’il se sait sage comme l’image

Qui eût cru dans les vertus de l’humble planche de salut qui se désigne en transparence

Plonger dans les abysses des fleurs et butiner du regard les sucs de la passion

La Nature est un musée qu’il suffit d’apprivoiser si l’on désire encenser ses bonnes et dues formes

La Nature est un musée qu’il suffit d’approcher pour en célébrer les magnifiques couleurs

La décomposition c’est toujours et encore de la composition mais c’est l’autre moitié qui recompose

Le temps travaille inlassablement pour tout être qui vient à point et a su attendre

Et si les fruits avaient leur propre cycle de saisons qu’il suffise de récolter au moment venu

Décliner l’alphabet des brindilles ou tout du moins dessiner des lettres à petit traits végétaux

Quel miracle quand le vivant prend la consistance de l’inerte et qu’il finira par s’y fondre

Le champ d’étude semble infini pour qui ne saurait mettre sur les i les points de suspension

Qu’on tranche dans le vif et en cueille les aromes
Couper en deux et laisser à nos yeux le restant du chemin
C’est tout en son honneur que de se voir suspendu dans l’espace
Laisser mûrir le fruit et qu’il croisse en substance ou confine au sublime

 

 

Liliceae (à la manière d’Eluard)
I)
Prenant appui sur ses fines racines
Elle s’élance en traits vers son efflorescence
Danseuse dans l’air du temps
Qui s’effeuille jusqu’à l’épuise

II)
Non sans raideur de souveraine
Elle se dresse avec fierté
Vers ses amies ses sœurs bulbées
Mais déjà leur affection fane

III)
Elle a posé ses oripeaux d’insecte
Son destin est brisé

IV)
Aux flammes acérées telles des flèches
Avec ses ambitions de prélat
Succède un entre-deux où les formes s’étiolent
Avant que la brune inertie ne prenne le dessus

V)
Quelle tragédie que de voir des flammes
Si solidaires dans leur élan
Perdre soudain toute allure
Et se précipiter dans l’informel

VI)
Rouge il fait de la résistance
Il n’est pas près de nous quitter
Ce n’est pas faute de nous tirer des larmes
Qui blêmissent ses vaisseaux

VII)
Il est nostalgique de verdure
Cherche à tout prix à se l’approprier
Quitte à quitter son enveloppe
Et se soumettre à un nouveau destin

VIII)
Sa légèreté l’honore
Même s’il perd vite ses atours
Et s’évanouit dans l’espace
Sans nulle chance de retour

IX)
Il se laisse guider par ses bras
Qui régissent son équilibre
Mais très vite il s’affale
Comme en mal de terre natale

 

 

Deux textes parus dans des catalogues différents consacrés à Gérard Niemetzki