Cinq raisons d’e(xa)spérer (et une de ne pas désespérer)
M’exaspère
On  te parle de sa misogynie
On s’extasie sur chacune de ses prophéties
On s’indigne d’ébats romancés avec des clebs
Et on t’affirme c’est le grand auteur du siècle courant
Mais on te dit rien sur les finalités de la forme
On t’en dit moins encor sur les subtilités du style
On n’évoque nullement la composition
Les plumitifs jamais n’auront pigé ce que c’est que d’écrire

M’exaspère
On te dit Une telle a vécu
A elle a subi ceci elle a essayé ça
Elle a des tas de porcs à dénoncer
Il s’agit d’une majeure écrivaine
Mais question cul elle n’a guère innové
Elle a suivi le mouvement sil faut s’exprimer ainsi
C’est la provoc qui la fait béqueter
Elle finira journaliste je vous dis

M’exaspère
En vain on y chercherait des velléités d’art dramatique
Les poètes ? Savent pas de qui ou de quoi vous parlez
Faut voir les intermittences qu’ils nous vantent  
Et ils osent se piquer d’une page Culture
Mais ils prennent leur vessie pour des lampions
Ils excellent dans l’inter-satisfaction
Pas question de les remettre en question
C’est qui  C’est quoi C’est ta Tee Vee couillon

M’exaspère
Il cause bien il fascine les foules
J’comprends pas tout mais c’qu’il est éloquent
En voilà un qui sait ce qu’il sait avoir à dire
Ca doit être vrai puisqu’il en parle bien
Mais il soigne avant tout son ego
Et rêve au relevé discret de son compte en banque
Et à la donzelle qu’il fera mouiller
L’imposture est du monde des choses  la mieux partagée

M’exaspère enfin (Strophe à censurer)
Les gens qu’ont dit toujours exaspérés
Qui se gavent de rôti du bouc émissaire
Vous lyncheraient bien ces cons si on vous dénonçait
Paraît qu’ils parlent au nom du peuple
Mais un peuple de fachos et bobos réunis
Dont chacun tire le gilet à lui
Même assemblés tout ça n’a jamais fait un peuple
Que des agrégats d’aigris de loosers  et de nases

Envoi du futur : Roulez jeunesse !
C’est pas des bâtards qui f’ront qu’la racaill’s’lais’ra déchoir
Les p’tites meufs du  Nord  déclameront  en vert
Je surfe grave tout comme un bourge sans mo(u)ver d’l’écran
Plus d’raplapla les babas y’a du ginge du cialis et du viagra
Ah croiser l’trop con qu’a impulsé le big et insufflé le bang
Une soc’(e) sans exam’ns et sans prises de tête et surtout sans poet poet
Quand les races se kiff’ront des bouffons vous débarrass’rons
J’m’éclat’rai sûr dans la peau de mon clone et d’son EI
Tant qu’y a d’la teuf et du fun de oufs,  y aura toujours de l’espoir

 

 

 

(Pour Anne-Marie Jeanjean et les Eds Tardigraves dans un recueil collectif : Noire époque)