E-artistes D’ici, D’ailleurs au Réservoir (Sète) 3ème version

               Il reste quelques jours, au moins jusqu’au mois de janvier, pour visiter, à Sète, l’expo E-artistes, à savoir seize des femmes artistes habitant ici (Sète, Montpellier, Nîmes etc.) et originaires d’ailleurs (Grande Bretagne, Maroc, Pologne, Norvège, Allemagne, Suisse…), que j’ai eu le bonheur de co-organiser avec l’amicale complicité de Clémence Boisanté. Comme l’accrochage ne m’incombait pas, je puis affirmer, sans parti-pris, que je le trouve réussi. Il est divisé en cinq parties : tout d’abord l’entrée proprement dite, occupée par une toile romaine assortie de deux objets satellites de la marocaine Nissrine Seffar, sur une cloison derrière laquelle ont pris place des portraits en noir et blanc, très estompés, fantomatiques, d’Elsa Ohana. Le vestibule concentre bon nombre des œuvres les plus marquantes de cette expo : au sol, les pavillons métalliques de Vanessa Notley qui nous parlent de communication, non sans humour. Couvrant tout un pan de mur, le tirage de langue d’Agnès Rosse qui peut s’adresser à qui l’on veut, à la suprématie virile en art notamment. Nissrine Seffar y a renouvelé son initiative initiale en triptyque. Au mur, des dessins empruntés aux écosystèmes de la toute jeune Chloé Viton (cf. La Panacée), artiste bien de son temps, et aux arbres à médicaments, dans cette période, anxiogène, très portée sur les addictions, de Jeanne Susplugas (cf. Musée Fabre). S’y ajoutent des graphismes fantastiques, empruntés à un monde merveilleux, d’Agathe David, monde vers lequel on aimerait s’évader ; et les signes affirmatifs (d’une identité féminine ?), abstraits mais décisifs d’Emma Godebska. La troisième salle est la plus vaste et les artistes y déploient toute leur singularité, notamment en peinture : l’univers quelque peu onirique, indécis, d’Estelle Contamin, qui revisite l’enfance et ses jardins perdus ; les paysages rigoureux et les marines portuaires (nous sommes à Sète) de la britannique Mélanie Bide ; deux toiles expressionnistes, des sortes de paysages, bien dans l’esprit germanique, mystérieux et floutés, de Nadia Lichtig ; les figures longilignes, les compositions très matissiennes, aux couleurs vives, de Valérie Crausaz et les portraits criant de vérité que la singulière insulaire, Claudie Dadu tire, au trait, de ses longs cheveux arrachés. Margaux Fontaine aligne une série de médaillons, sortes de masques hétéroclites et bigarrés, exotiques, surinformés, déclinés de son visage très dans le style customisé/tatoué qui s’est infiltré dans l’art. Une quatrième salle réunit essentiellement des dessins d’animaux entravés de Vanessa Notley, des œuvres d’Emma Godebska, les cabanes exilées, portes et portraits à l’encre, de confinement, d’Anna Novika Sobierajski. Enfin le couloir qui reconduit à la sortie nous confronte aux collages graphiques et aux grandes peintures animalières de la norvégienne, engagée, Oddjborg Reinton, puis d’une toile très offensive et bien dans l’esprit du temps, de Margaux Fontaine, et deux dessins d’Agathe David qui nous ramènent à la signature affirmative d’Emma Godebska. Dessin, peinture, sculpture, figure, abstraction, sobriété, démesure, on peut trouver dans cette exposition de quoi découvrir la vivacité de la création féminine en la région, même si l’on souhaiterait une suite, car quelques noms manquent à l’appel, qui n’ont pu se libérer pour ce premier volet. Et pas des moindres. BTN

Jusqu’à début janvier, 45, quai du Bosc, 0467199904

 

                                                   

E-Artistes D’ici D’ailleurs 

Prologue : Au commencement, la simple constatation que les artistEs féminines n’étaient jusqu’à présent que fort peu présentes au Réservoir et à la Serre. A la suite d’une remarque sur la parité, émanant d’une médiatrice, l’idée s’impose donc d’une expo d’artistEs ou si l’on veut d’E-artistes, le « e » étant la marque grammaticale de la féminité par excellence.

Premier acte : il s’agit d’établir une liste. Une trentaine de noms viennent spontanément à l’esprit. Nous privilégions la peinture, la sculpture, le dessin, la gravure qui trouvent davantage leur place et raison d’être en galerie…  Pour des soucis de commodité, et au vu du contexte sanitaire, la liste se restreint à trois villes de la région : Sète, pour des raisons évidentes, Montpellier et Nîmes, les deux capitales régionales. Pourquoi aller chercher bien loin… D’où le recours à l’adverbe ICI, qui sera vite suivi D’AILLEURS. En effet, le hasard fait que la plupart des  artistEs retenuEs sont originaires d’un pays étranger (Ecosse, Angleterre, Allemagne, Pologne X 2, Suisse, Maroc x 2, Norvège), ou viennent d’assez loin de notre région  (Normandie, ou plus simplement Paris, Lyon, Marseille).

Deuxième acte : Il s’agit de trouver un thème fédérateur : l’exil ou plutôt les exils, nous tente, dans son acception à la fois géographique et symbolique, mais il ne convient peut-être pas à toutes. Nous décidons d’y adjoindre la notion de Refuges et celle de Révoltes. Par ailleurs, le nombre d’artistEs singulières (par référence à l’île qui les accueille) sera limité à 16 : ce chiffre s’avère bien carré (4 X 4) et fait penser à un cube à savoir une base, à même de revendiquer cette aspiration à la la parité et l’offensive féminine dans un fief dévolu majoritairement à des artistes au masculin (ce qui ne constitue pas un problème en soi mais il s’agissait ici de retrouver un minimum d’équilibre).

Troisième acte : La liste s’affine au fil des jours et des visites d’atelier effectuées par Clémence. Des rencontres opportunes étoffent le groupe. Les sujets sont souvent d’actualité, au-delà de leur caractère métaphorique : la cause animale, les brouillages de la communication, la migration et ses épreuves, la relation problématique de l’humain avec la nature, la suprématie de l’image, l’hybridité à l’ère de l’anthropocène, l’obsession thérapeutique, la guerre et ses tragédies, lé révolte, le refuge… D’autres sont plus universels tel le rapport à l’enfance, la recherche d’un primitivisme esthétique, la solitude, la distance critique ou l’humour face à des situations données, la prise de conscience de l’importance du langage, la mémoire collective, l’empreinte, la trace, le mot et ses polyvalences…  Au thème des exils pourraient s’en substituer d’autres : Déplacements correspond à la fois à la situation physique de la plupart des artistes mais aussi à leur conception de leur activité, à la place de l’art dans la vie de tous les jours. DiffErrAnces était tentant mais trop connoté par la philosophie de Derrida. Enfin, les deux adverbes ICI D’AILLEURS ne sauraient être dissociés puisque les artistEs ou E-artistes évoluent dans les deux espaces, ou territoires, en même temps, mentalement supposons-nous.

Epilogue : Et maintenant : place à l’action, la sœur du rêve… Il s’agira d’agencer. Il faut mettre de l’ordre dans tout ça, écrivait le poète. 16 artistEs d’un grand cru pour une vendange singulière d’Elles. Première vague :

Sète : Claudie Dadu, Vanessa Notley, Anna Novika S, Agnès Rosse.

Montpellier : Agathe David, Nadia Lichtig, Oddjborg Reinton, Chloé Viton

Nîmes : Mélanie Bide, Estelle Contamin, Valérie Crausaz, Emma Godebska.

Au-delà : Margaux Fontaine, Elsa Ohana, Nissrine Seffar, Jeanne Susplugas.

La question d’un art spécifiquement féminin, à l’instar de l’écriture féminine, ne sera sans doute pas résolue en fin d’exposition (à supposer qu’un troisième sexe ne vienne pas damer le pion à de supposés antagonismes). Au moins, celle-ci incitera-t-elle à s’interroger sur les visions du monde que révèlent ces artistEs, sur leur conception de leur activité dans ces temps troublés, et sur les engagements qui les caractérisent. BTN

PS : D’autres auraient pu se voir conviées. Au demeurant, pourquoi ne pas conjecturer une possible suite, un second volet, une deuxième vague, qui sait ? La liste est prête. Et pas seulement régionale.

Ci dessus : Agnès Rosse…

Ci desssous / emma Godebska, Jeanne Susplugas, Nadia Lichtig, Nissrine Seffar

E-artistEs : D’ici D’ailleurs, Le Réservoir (Sète)

La spacieuse galerie sétoise, fondée par Gilbert Ganivenq, et gérée par Clémence Boisanté, s’est mise à l’heure féminine , cet automne, avec cette exposition de seize ArtistEs (un carré cachant un cube assez stable pour échafauder de nouveaux projets) ou E-artistes, comme on préfère, essentiellement de la région (Sète, Montpellier, Nîmes et plus si affinités). Comme dans une équipe de football, si la plupart de ces artistEs ont posé leur valise dans une ville, elles sont pourtant originaires d’ailleurs à l’étranger (Grande-Bretagne, Pologne x 2, Maroc x 2, Allemagne, Norvège, Suisse) ou du territoire français (Normandie, Paris, Lyon, Marseille). En ce sens, on peut parler d’exil ou du moins de déplacement d’un lieu et de sa culture en une autre…  Ce métissage semble intéressant à creuser et on devrait en retrouver des traces dans les œuvres qu’EllEs sont censées proposer, qu’il s’agisse de peintures (Estelle Contamin, Margaux Fontaine, Oddbjorg Reinton…) ou de dessins (Anna Novika S., Nadia Lichtig, Chloé Viton, Claudie Dadu et ses cheveux), d’installations (Chloé Viton, Jeanne Susplugas, Nissrine Seffar, Agnès Rosse) ou de gravure (Elsa Ohana) voire de sculptures (Vanessa Notley, Valérie Crausaz), sans oublier la performance et l’intérêt pour le son de Nadia Lichtig… Accessoirement chaque ville est représentée par 4 artistEs.

Ainsi l’international est-il à nos portes. De fait, nous allons en général chercher bien loin ce que nous avions sous les yeux et sur les lieux et qui ne demandait qu’un coup de pouce pour se voir mis en lumière. Certaines artistes sont très connues, d’autres en voie de le devenir ((Jeanne Susplugas, Chloé Viton, Nissrine Seffar) ou n’aspirant qu’à une reconnaissance bien méritée…

Les sujets sont souvent d’une brûlante actualité, au-delà de leur caractère symbolique : la cause animale très présente dans les tableaux quasi monochromes sur les espèces en voie de disparition chez Oddbjorg Reinton ou dans l’approche polyvalente d’Agnès Rosse du côté des zoos ;  les brouillages de la communication dans les « pavillons » de Vanessa Notley ; la migration voire l’exil et ses difficultés d’insertion pour Anna Novika S et Elsa Ohana ; la relation actuelle avec la nature dans les paysages de Mélanie Bide ou le ciel à échelle cosmique de Nadia Lichtig ; la fascination pour l’image chez Margaux Fontaine ; l’hybridité à l’ère de l’anthropocène chez Chloé Viton ou Elsa Ohana ; l’obsession thérapeutique chez Jeanne Susplugas ; la guerre et les tragédies de notre monde dans les travaux de Nissrine Seffar… D’autres sont plus universels tel le rapport à l’enfance, dans la peinture d’Estelle Contamin, ou dans l’onirisme merveilleux d’Agathe David ; la recherche d’un primitivisme ancestral que l’on perçoit chez Valérie Crauzaz ; la quête d’un  signe universel qui semble caractériser la production actuelle d’Emma Godebska, la solitude, la distance critique ou l’humour (dans les dessins animaliers de Vanessa Notley, dans les tirages de langue et skates en train de sécher d’Agnès Rosse) ; la mémoire collective, l’empreinte, la trace, une écriture porteuse (Nissrine Seffar, Emma Godebska, Nadia Lichtig)… Les limites ou la finitude du corps enfin, encore et toujours, chez Anna Novika S…

Les artistEs ou E-artistes occupent de plus en plus de place dans le milieu de l’art contemporain. Leur vision du monde ne peut qu’enrichir celles de leurs homologues et parfois antagonistes traditionnels. Il importait donc de rétablir une certaine parité un espace plus favorablement ouvert, jusque-là, à de beaux fleurons artistiques de la gent masculine. Par ailleurs, la galerie n’a jamais caché ses goûts pour la figuration haute en couleurs, qu’elle s’inspire, ou tout simplement émane, de celle que l’on a dite libre, ou un peu avant narrative, du pop art, ou plus récemment du street art. Bon nombre des artistEs invitéEs prouvent que ces artistEs ont leur sensibilité, leur intelligence et leur compétence plastique à y apporter, que d’autres voies sont bien évidemment explorables. Au demeurant, la question d’un art spécifiquement féminin (comme on le dit pour l’écriture) ne sera  sans doute pas réglée d’ici la fin novembre. Les différences et analogies entre les deux sexes mériteraient plus d’une thèse. Si un troisième ne vient pas leur damer le pion… En attendant voici la vision de l’art actuel que nous offrent 16 ArtistEs même si l’art au fond n’a sans doute pas de sexe. On en eût souhaité davantage : on espère que cette exposition sera suivie d’autres, collectives ou personnelles. Il reste tant d’artistEs, d’E-artistes à découvrir… Et pas seulement dans la région… BTN

Du 2 oct au 29 nov, 45 quai du Bosc à Sète (0467199904)

Ci dessous : Anna Novika, Estelle Contamin, Agathe David, Vanessa Notley.

Encore au dessous : Chloé Viton, Mélanie Bide, Valérie Crausaz, Agathe David

Et encore plus bas : Margaux Fontaine, Claudie Dadu, Oddbjorg Reinton