QUENTIN PARANT ET LES SIGNES

Comment expliquer cette prolifération de petites silhouettes anthropomorphes  qui se répandent en bande, en bancs voire en troupes, le long des feuilles ou à la surface des pierres dans la production de Quentin Parant ? Manifestement, ces signes doublement humains, par leur conception et par leur forme, se rapprochent d’une écriture, noir sur blanc ou l’inverse, rupestre ou runique, ce qui lui donne un caractère primitif ou si l’on préfère, puisque l’on aime bien classer l’originalité dans une classe confortable, brut. On est quelque part dans l’univers des origines, ancestral et spontané. Ces signes supposent un autre type de lecture que celle à laquelle nous sommes habitués. Issus de la part primitive de l’homme, ils sont comme l’expression de l’inconscient. Ils se veulent davantage visibles que lisibles, au sens strict du terme. Ils ne se déchiffrent pas tout de go. Ils se prêtent à l’interprétation.

Le format de chaque homoncule est en effet de taille intimiste et Quentin Parant aime les aligner soit en pleine page, comme un alphabet singulier et plastique à souhait, soit en strophes indécises et flottant à la surface de la feuille. Pour moi, l’apparition multiple de ces silhouettes relève du symbolique : Quel être humain n’a pas rêvé d’engendrer la vie ? C’est possible dans le réel,  à quelques exemplaires de chair, encore faut-il supposer une gestation qui n’est pas du ressort de l’Homme – mais l’on reste dans les limites, raisonnables, de la condition humaine. Cela devient possible à l’infini dans les dessins de Quentin Parant. Ces silhouettes sont modulables à souhait, chacune a son identité, différente de l’autre, même si chacune conserve sa part d’anonymat, et elles ont la capacité de s’agglutiner en formes spécifiques, je pense à cette empreinte de pierre, dont elles reprennent les contours dans un phénomène d’écho, du réel vers sa trace graphique. Elles donnent également le sentiment d’être à même de proliférer, que ce soit sur la pierre brute et donc sur volume, ou dans le champ pictural du dessin, à savoir les feuilles. Dans ses polyptyques Quentin Parant imagine cette propagation en gradation, comme si les personnages d’encre partaient à la conquête du papier, en vertu de la vérité qui veut que la nature ait horreur du vide (et que la culture soit une seconde nature). Dans une autre composition, on voit les rangées de bonshommes et les empreintes de pierre se faire face, laissant le regardeur imaginer soit l’invasion des pierres par les bonshommes, soit la mise en forme des créatures à l’imitation de la pierre. Dans les deux cas, il s’agit d’une entente cordiale. La nature et l’homme peuvent très bien s’accorder. Ainsi en était-il à l’aurore de l’humanité. Et ainsi retrouve-t-on cette osmose dans les dessins de Quentin Parant. La nature et l’homme peuvent très bien s’accommoder, comme la mousse sur la pierre ou la pierre dans nos maisons. Il a entre les mains les bases d’un alphabet de signes qu’il peut reconduire à l’infini et qu’il ne tient qu’à lui d’enrichir, de nouveaux supports, de nouvelles formes, de transformations inouïes, de déclinaisons inédites…

Je parlais plus haut des origines mais il faut parler aussi de l’enfance : la nôtre et celle de l’art, de l’humanité donc. L’art est magique : il permet de réaliser ce qu’il serait impossible de faire dans le réel. Il est exorcisme et exutoire. L’œuvre en devenir de Quentin Parant retrouve cette capacité primitive d’engendrer du symbolique, et de symboliser l’engendrement idéal, – et de la sorte de l’humain. BTN

 

Paru in Catalogue Comme une Fleur/Topographie de l’art