Au commencement, la création dévida sa longue phrase d’encre animée de tous les plausibles, avec l’imperceptible geste du silence pour unique accord, les primitifs frémissements de la matière encor absente comme insolite mystère et, tache aveugle clamant le désaveu d’une œuvre avide d’incréé, cet œil pénétrant de lumière, perçant, dans son recoin nocturne, le secret des primes paroles.

A l’annonce du second souffle, les ailes de la nuit renoncèrent au néant tout juste abstrait de l’indicible, sans doute afin d’en configurer le terme; le virtuel en mal d’éruption en conçut la confuse formule, et le pli se prit de conjurer le vide. Deux perles de jours s’alignèrent sur le firmament ténébreux au nom duquel s’exprime la base du refus par le renoncement à la négation même.

Au coup de semonce nouveau, une vague de bile noire résolut d’endiguer l’irrémissible essor vers l’objet de clarté, tout au bout du conduit, que l’Etre voue au seul prétexte. Trois lueurs fixes dessinaient une constellation creuse, ouverte à toute proposition magnétique. L’une détermina la direction, suivie à la lettre, de la plus haute Espérance, déjà captivée par le mur réfléchi des contraintes.

L’étape suivante, un épais brouillard jouait à déchiqueter son ombre, pâle comme une aube renaissante. Quatre lanternes foreuses balisèrent la pénombre des nuées. Le créateur pensa : tel sera mon domaine aux yeux de qui s’ingéniera, sinon à me joindre, du moins à quérir. Dans sa cage obscure, les yeux scrutant la nitescence sans fin, la créature désirait en vain qu’on lui rendît l’élan plus leste.

Aussitôt que l’idée de la brume se fut rassise, la main de Dieu imposa son silence fatal. Les lunes d’anti-métal régnaient en quinconce su le désert intersidéral. La mer de basalte, uniformément refroidie, espérait avec calme l’inéluctable tempête. Un rideau translucide se faisait jour, en attendant son heure blême. L’éclipse réalisait sa parfaite inanité, en regard des éclairs de miel à venir.

Dès lors, le firmament se contracta. La lumière jaillit, qui tourmenta les abysses. Six trouées éblouissantes engouffrèrent l’inaltérable vacuité. On sentait les noirceurs de l’âme traquées par les trous blancs qui les gobaient à l’instar des siphons. Les flaques disparaissaient à vu d’œil, en orbites temporaires autour des escamoteurs. Le hasard se découvrit irrémédiablement aboli, en une profonde douceur.

Enfin, seule la lumière fut. L’écartelé triomphait de ses stigmates resplendissants. La maison du ciel semblait fendue, comme un sexe de joie. La créature contemplait les éthers et rêvait d’autres sphères. Le chef d’œuvre était révolu, son Créateur jubilait. Sept pastilles géométriques apaisaient les manques du regard et la queue de ses cheveux en souffrance. Quand à moi, je goûtais aux sources divines de la voie lacté.

Encore un texte écrit pour accompagner des gravures de Jacques Clauzel.

Ce texte a été finalement publié avec des peintures deVéronique Agostini par les Eds Rivières.