Je vaquais à mon accoutumée

Dans les rues bondés du cœur de ville

Rien dans les poches mentales Rien encore dans le sang spirituel

Qui sustentât mon inextinguible soif d’images fortes

Dans l’indifférence générale

Et la prostitution affichée sur les murs

Je m’appliquais à démembrer les passants

Toi petit dans ton T-shirt je devine un coin de ciel azuré

Sur ton épaule charmante matrone je découpe un peu de chair divine

Mais qu’a donc écrit ce jeune homme dans le dos de son blouson denim

Ce profil a ce me semble bien des airs de carte postale

Petite ton nombril scintille comme une étoile de cristal

Où ai-je pu voir cette nuque déjà

Et dans quel musée de la douce Toscane

Dans quelle vie antérieure

Ce beau monsieur tout de rouge vêtu s’il ne fut point jadis un ange

A coup sûr ce fut le fils d’un grand roi

S’il vous plaît mon doux sire me secourriez-vous de quelque aumône

Qui fasse pâlir de rage les professionnels du don

Et toi jeune effarouchée qu’on dirait sortie de l’onde d’un tableau mythique

Nous reverrons-nous dans un lointain âge d’or

Et que nous serons riches de nos déchirements communs

Comme est parlante cette enseigne

Dont j’emporte le jaune dans ma tête et un pan de mur dans mon coeur

Pour lui faire subir le même sort que ce dieu de l’Egypte ancienne

Parsemé de nécessités internes

Car mon œil n’est jamais rassasié

Dans sa volonté de connaître

Bonnes gens qui m’avez fait l’aumône d’un regard

Ne vous méprenez pas sur mes intentions

Si je viens à vous en haillons et le ventre vide

Un jour plus tôt que vous ne le pensez

C’est moi qui vous convierai au sublime festin

Au banquet des sens quand le firmament se constelle

C’est en noble habit d’Arlequin que je vous recevrai

Dans l’éclat inouï de mes richesses

Car je sais le secret

Devant vos plurielles reliques

De lancer d’un coup les dés divins

Vers une dimension qui vous est inconnue

Pour qu’un ordre s’impose

Aux miettes célestes dont vous vous sustentez

Et dont je pétris mon pain quotidien

 

Paru aux Eds Rivières avec des illustrations d’Yves Reynier