Irai-je par ici

Le trait me conduira-t-il plutôt vers là

L’enfant voit-il ce qu’on recrée

Quand les crayons courent sur la feuille vierge

Je dis feuille mais dans cet univers

Il ne saurait être question de voir pousser un arbre

Pas de ceux de chez nous

Une espèce nouvelle d’arbre

Qui n’en porte même plus le nom

Pas même celui de la plante

Du brin d’herbe ou de son étendue

Il ne saurait être question de rien

Et pourtant un monde grouille

Dans le creux de mes yeux

J’en exclus aussi la pierre

Et la roche en général

Et toutes les strates régulières qu’exhibent les parois abruptes

Des reliefs mis à nu

Tout ce qui pointe à l’horizon des mines

Car c’est d’un autre ordre qu’il s’agit ici

Celui du haut n’ayant point fait ses preuves

Ou pas de celles qu’on espérait

Une nouvelle conception de l’incréé

Quant à l’homme

Ah l’homme

C’est bien simple

Sa parole n’a plus cours

Il voudrait bien s’il trouvait sa forme

Parmi les hypothèses animales

Ajouter deux trois blasphèmes à l’endroit de ma personne

Mais qu’est-ce un homme qui ne parle pas

Sinon autre chose ou un être autre

Dont il faudra pourtant se méfier

J’irai donc par ici ou par là

Délier le monde à ma façon

Car la vraie vie palpite

Au bout de mes doigts nomades

Texte paru chez Rivière Aubarine Les Herbes avec des illustrations de Gérard Depralon