Je déambulais dans une rue quelconque de nos villes malpropres

Ou bien je vaquais paisible à quelque peu gratifiante occupation,

Peut-être m’agitais-je sur les places des marchés où se joue depuis belle lurette le sort de mes semblables

Quand je le vis fondre sur moi

Parce que je devais ressembler à tous les autres

Me toiser d’un oeil blasé

Puis me jauger de loin en tendant le pouce de sa main droite

M’estimer assez médiocre pour compléter la compagnie

Enfin m’emmener sans avis ni ménagement

 

Il a taillé mes ailes d’ange

Enrubanné mes jambes agiles

M’a rasé tout le chef

M’a vidé de ma substance vitale

Et m’a réduit à une silhouette

pas plus haute qu’une quille

Ou qu’une figurine d’infime momie

parmi d’autres silhouettes

Silencieuses et obscures

Qui paraissaient égarées

Dans la pénombre de sa folie

 

Depuis je suis sa créature

Il peut m’éteindre et m’allumer au besoin

M’écraser ou me déchirer

M’effacer ou m’écorcher vive

Me faire toucher le fond

De son univers de papier grossier

D’où il m’arrive de jaser

Dès qu’il m’oublie trop occupé

 

Aussi j’attends

Perdue au coeur de l’oeuvre noire

Avec des plus petits que moi

Et d’autres qui se rongent au fil des pages

L’âme qui dénouera le charme

Et aura dans l’idée

De me ranimer

Et de toutes nous libérer

De l’autorité du Livre

 

(Poème inclus dans un catalogue Jacques Clauzel à Issoire). 26-10-96